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Massacres en RDC: Beni retourne sa colère contre les Casques bleus

"Nous allons continuer à manifester jusqu'à ce que nous obtenions leur départ": des habitants de Beni et Butembo dans l'est…

« Nous allons continuer à manifester jusqu’à ce que nous obtenions leur départ »: des habitants de Beni et Butembo dans l’est de la République démocratique du Congo s’en sont pris vendredi aux Casques bleus après le massacre de plus de 60 civils en moins d’un mois.

Plusieurs dizaines de jeunes ont détruit un mur et arraché des barbelés qui protègent l’entrée d’un camp de la Mission des Nations unies au Congo (Monusco) à l’entrée de Beni, a constaté un correspondant de l’AFP.

En retour, des soldats du contingent malawite ont tiré en l’air et un hélicoptère blanc frappé des initiales UN a survolé le quartier de Boikene.

« Nous venons de renverser le mur derrière leur base. Les casques bleus ont tiré en l’air, je me suis couché. Ils doivent partir, trop c’est trop », a lancé Fiston Katsuva, 20 ans.

Face aux manifestants, les Casques bleus ont été soutenus par l’armée et la police congolaises, à grands renforts de gaz lacrymogène et de tirs de sommation.

C’est dans ce même quartier de Boikene qu’au moins sept personnes ont été tuées dans la nuit de mardi à mercredi, un nouveau massacre attribué au groupe armé des Forces démocratiques alliées (ADF).

La Monusco se retrouve prise entre deux feux avant le renouvellement de son mandat par le Conseil de sécurité prévu autour du 20 décembre: cible de la population, elle n’a pourtant pas été sollicitée par l’armée congolaise dans son offensive lancée contre les ADF le 30 octobre.

« Je peux comprendre la frustration de la population par rapport à ce qu’elle subit ces dernières semaines, voire depuis plusieurs années. Mais je ne comprends pas qu’on puisse s’attaquer à nos installations, à nos véhicules, à notre personnel », a regretté le chef du bureau onusien dans la région, Omar Aboud.

« En faisant cela on aide aussi d’une certaine façon les ADF », a-t-il ajouté, cité par la radio Okapi.

Les manifestants traumatisés par les massacres des ADF depuis octobre 2014 (plus de 1.000 personnes) ne veulent rien entendre.

« Nous regrettons que la police nous lance des gaz lacrymogènes alors que nous revendiquons le départ de la Monusco qui est restée inerte pendant le massacre », s’est plaint l’un d’eux, Paulin Sinzomene.

-Riposte anti-Ebola interrompue-

« Nous allons continuer à manifester jusqu’à ce que nous obtenions le départ de la Monusco », a-t-il insisté en rentrant vers le centre-ville de Beni, à la nuit tombée.

c’est à ce moment de la journée que les ADF sortent des forêts environnantes pour lancer leurs attaques à l’arme blanche et terroriser les civils des quartiers ou des cités périphériques de Boikene, Mayangose, Mavivi.

Les manifestants se sont ensuite replié vers le centre-ville, où ils ont allumé un feu devant la mairie. A l’intérieur, se trouvait vraisemblablement le gouverneur de la province du Nord-Kivu, déjà bloqué la veille par des habitants en colère, à son arrivée à Beni.

La situation a été également tendue à Butembo à une cinquantaine de km de Beni.

Au moins quatre personnes ont été blessées dans des affrontements avec la police, d’après un militant, Léon Tsongo.

Une dizaine de personnes ont été interpellées, a indiqué la police.

« On ne peut pas pleurer des compatriotes tués en troublant l’ordre public », a lancé le maire de Butembo, Sylvain Kanyamanda.

Les violences ont interrompu les activités de la riposte anti-Ebola à Beni et Butembo, les deux épicentres de l’épidémie qui a tué près de 2.200 personnes depuis le 1er août 2018.

« Toutes nos activités sont concernées: sensibilisation, vaccination, enterrements sécurisés, etc. », a précisé le professeur Jean-Jacques Muyembe, chef des experts en charge de la lutte anti-Ebola.

Une accalmie est enregistrée sur le front de l’épidémie, avec une dizaine de nouveaux cas par semaine contre 90 à 100 par semaine il y a quelques mois.

Sur le front de la lutte contre les ADF, en revanche, la division règne entre les civils, les Nations unies, et les autorités congolaises.

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