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Maurice Bourgeois, sur tous les fronts de 1914-18

"Celui qui n'a pas eu peur à la guerre n'existe pas", disait le général Bourgeois, dernier doyen gradé des "poilus"…

« Celui qui n’a pas eu peur à la guerre n’existe pas », disait le général Bourgeois, dernier doyen gradé des « poilus » en France, mort à 106 ans en 2003, en livrant à ses petits-enfants le récit de son épopée guerrière.

Maurice Bourgeois fut de toutes les batailles, de la forêt de l’Argonne aux tranchées de Verdun, jusqu’à sa libération d’un camp de prisonniers dans le Holstein en Allemagne et le désarmement de l’ennemi à Berlin.

L’intégrale des souvenirs a été gravée sur bande magnétique dans les années 1970 et 1980 par son petit-fils, Hugues Bourgeois, et conservée par son autre petit-fils historien, Guillaume Bourgeois.

« On tremblait. Mais ça n’empêchait pas d’aller où on devait aller », confiait celui qui reste dans la mémoire familiale comme « GPG » (« grand-père général »).

Né le 27 novembre 1896, « enfant de troupe avec une éducation patriotique et militaire profondément ancrée », Maurice s’engage à 17 ans au 46è régiment d’infanterie dit de « La Tour d’Auvergne » à Fontainebleau à la fin de l’été 1914, se souvient Guillaume.

A Mende, en Lozère, Maurice est rapidement repéré pour ses qualités de commandement et rejoint le peloton des aspirants.

Première épreuve du feu en 1915, la forêt de l’Argonne, au lieu-dit « La fille morte », à quelques mètres des lignes ennemies. Le jeune officier se retrouve à la tête d’une vingtaine de « poilus » dont certains deux fois plus vieux que lui.

En 1916, c’est Verdun. Alors jeune sous-lieutenant, il se bat pendant la reprise des forts de Douaumont et de Vaux.

Première blessure. « C’était le 4 novembre », dans le ravin de la Fausse-Côte « une dégelée d’obus (…) un choc à la cuisse droite. Le sang mousse tout au long de ma jambe », raconte-t-il.

« J’ai pu m’agripper au ceinturon de l’agent de liaison (…) il fallait continuer, j’avais 50 hommes ». Alors, Maurice, seul blessé de la section qu’il dirige, continue « clopin-clopant ». Traversée du bois d’Ardomont exposé au feu de l’ennemi. « Il n’y avait pas souvent de répit à Verdun ».

A l’abri 3603, un simple pansement à la jambe et « un quart rempli de chocolat.. Ah, la, la, que j’ai bu avec plaisir ». Et bien sûr « un petit mot à ma mère ».

– Au Chemin des Dames, le chlore –

En avril 1917, enfin une permission dans sa Normandie natale à Bernay, avant de rejoindre l’enfer du Chemin des Dames.

Là, le 21 octobre 1917, le régiment essuie de drôles « d’explosions pas franches », raconte Maurice. C’est l’ypérite, un gaz au chlore. Promu lieutenant la veille, il prévient ses hommes au sifflet et n’a pas le temps d’enfiler le masque. « L’œil est atteint, et toutes les parties humides, nez, bouche, jusqu’aux poumons.. »

En mars 1918, dans le secteur de Saint Quentin, nouvelle blessure à la jambe. « Et pan! Une deuxième balle fracture l’avant-bras, je suis pris de colère, et me retrouve assis sur le derrière ».

Cerné, Maurice est fait prisonnier à Neuville-en-Beine (Aisne). Le médecin allemand bricole une attelle « avec un morceau de carton d’une boîte de macaroni ».

Evacuation dans une brouette puis dans un wagon à bestiaux jusqu’au camp allemand d’Eutin, dans le Holstein. Ca sent la fin de la guerre. « Le 11 novembre, je me rase près de ma fenêtre, j’entends un hurlement +Armistice+! Des femmes allemandes sautent en l’air (..) La joie règne partout dans le camp, nous partons, libres, nous promener en ville (…) Sur la grand place d’Eutin, des soldats allemands chantent la Marseillaise, avec nous. »

L’appartement de Maurice, avenue Daumesnil à Paris, est plein de souvenirs, y compris les douilles et éclats d’obus qui l’ont blessé. Les précieuses médailles religieuses de sa mère roulées dans un mouchoir ne l’ont pas quitté dans l’enfer des tranchées.

« Grand-père ne passait pas son temps à radoter sur la guerre. Il la racontait pudiquement et modestement, ni en victime, ni en héros », se souviennent ses petits-enfants.

En 1998 à Verdun, il préside pour la dernière fois les cérémonies à 102 ans, avec sa cravate de commandeur de la Légion d’Honneur. Ses médailles militaires, et celles de sa mère, l’ont accompagné dans la tombe.

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