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« Moria est comme un cimetière »: un millier de migrants dénoncent leurs conditions à Lesbos

Le camp de "Moria est comme un cimetière". A l'instar de Fazel Ahmad d'Afghanistan, un millier de migrants, en majorité…

Le camp de « Moria est comme un cimetière ». A l’instar de Fazel Ahmad d’Afghanistan, un millier de migrants, en majorité des femmes et enfants, manifestaient leur colère mardi sur l’île de Lesbos, pour dénoncer leurs conditions à l’intérieur du centre d’hébergement surpeuplé.

Scandant des protestationS, les migrants, parmi lesquels des personnes âgées, ont quitté le camp de Moria, en transportant un brancard recouvert d’un linceul, pour simuler une dépouille mortuaire, au surlendemain d’un incendie meurtrier ayant coûté la vie à une réfugiée et fait 17 blessés.

Ils se sont retrouvés un millier sous le soleil brûlant de Lesbos, à mi-chemin entre le camp et le port de Mytilène, qu’ils n’ont pu atteindre en raison de barrages de la police, a constaté une équipe de l’AFP.

« Moria c’est l’enfer », « Liberté », pouvait-on lire en anglais sur certaines pancartes en carton.

Dans ce camp surpeuplé, où ils s’entassent dans des conteneurs de frêt ou sous des tentes de fortune, ces exilés réclament de meilleures conditions de vie et leur départ immédiat de l’île.

« Moria est comme une jungle, comme un cimetière », a déclaré Fazel Ahmad, originaire d’Afghanistan. « Je pensais venir dans un pays qui respecte les droits de l’homme, mais ce qui se passe à Moria n’a rien à voir avec les droits de l’homme. Nous attendons deux heures pour un morceau de pain », a-t-il confié à l’AFP.

Dans la foule en colère, le chef de la police de la région Eleftherios Douroudous tente de les calmer, leur promet un départ prochain « vers d’autres camps avec de meilleures conditions ». « Les mineurs non accompagnés aussi seront transférés pour des conditions meilleures », rassure-t-il. « Je comprends les difficultés », leur dit-il, mais « nous devons tous être patients ».

Depuis la multiplication des arrivées ces dernières semaines sur les îles égéennes depuis la Turquie, le camp de Moria suffoque avec près de 13.000 migrants pour une capacité de 3.000.

En trois mois, près de 10.000 personnes sont arrivées à Lesbos, depuis les côtes turques voisines, selon le ministre adjoint à la protection civile Lefteris Oikonomou.

– « Personne ne s’occupe de nous » –

Dans un face-à-face avec la police, un groupe de mineurs prend la parole. « Nous sommes des humains », lance un adolescent, « nous sommes ici pour essayer de construire un meilleur avenir pour nous-mêmes et pour les pays européens. Nous ne sommes pas de mauvaises personnes, nous sommes de bonnes personnes. Qui veut nous écouter? personne ne s’occupe de nous ».

Au même moment, une délégation de l’ONG Oxfam France effectuait une visite sur le champ d’oliviers encombré de tentes et de cabanes de fortune, qui jouxte le camp de Moria, dans l’attente d’entrer dans le centre.

« C’est pire que ce que j’imaginais », a déclaré Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France. « Les conditions sont pires que ce qu’on peut imaginer dans des pays plus en difficulté encore que la Grèce. Nous sommes en Grèce, un pays de l’Union européenne. Plus de 40% de ceux qui vivent ici sont des enfants. Et ils grandissent dans ces conditions dramatiques », a-t-elle dit à un correspondant de l’AFP.

« Nous devons faire en sorte que la situation change. Il faut une prise de conscience de la responsabilité que l’on fait peser sur la Grèce et sur les îles. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de ces camps de fait de rétention », a-t-elle ajouté.

Lors d’un conseil des ministres d’urgence lundi, le gouvernement grec a annoncé sa volonté de renvoyer 10.000 migrants en Turquie d’ici fin 2020, contre un peu plus de 1.800 en quatre ans et demi, sous le précédent gouvernement de gauche. De tels retours sont rendus possibles par l’accord UE-Turquie conclu en mars 2016.

Le pays compte 70.000 migrants et réfugiés sur son territoire, selon les autorités.

Le gouvernement conservateur de Kyriakos Mitsotakis a promis également de « continuer à évacuer » les cinq îles de la mer Egée, proches des côtes turques (Lesbos, Kos, Leros, Chios et Samos), où s’entassent actuellement plus de 26.200 migrants pour 6.300 places.

Quelque 215 occupants de Moria sont arrivés mardi matin au port du Pirée, à Athènes, selon une source policière. D’après le HCR, du 2 au 15 septembre, 2.510 réfugiés ont été transférés des îles égéennes vers le continent grec.

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