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Nigeria: la répression violente d’un groupe religieux chiite fait craindre une escalade

Au moins six personnes ont été tuées en trois jours à Abuja lors de heurts entre manifestants d'un groupe radical…

Au moins six personnes ont été tuées en trois jours à Abuja lors de heurts entre manifestants d’un groupe radical chiite et forces de l’ordre, dont la répression musclée fait craindre une nouvelle escalade de violences.

L’armée et la police ont « repoussé l’attaque » menée par des membres du Mouvement islamique du Nigeria (IMN), qui ont « tiré avec des armes à feu », jeté des pierres et des cocktails Molotov, a affirmé l’armée dans un communiqué.

« Malheureusement durant la confrontation trois membres de la secte ont été tués tandis que quatre soldats ont subi des blessures à des degrés divers », ajoute le communiqué en évoquant les troubles de lundi.

Ces violences portent à six le nombre de personnes tuées depuis samedi dans les manifestations organisées par l’IMN en soutien à leur leader Ibrahim Zakzaky, emprisonné depuis près de trois ans.

Samedi, trois membres de l’IMN avaient déjà été tués à Abuja selon l’armée, affirmant qu’ils avaient « attaqué » un convoi militaire transportant des armes et des munitions.

L’IMN a de son côté démenti cette version officielle, assurant que les soldats avaient tiré sur des manifestants pacifiques.

Les violences de lundi se sont déroulées à un barrage où les forces de sécurité ont empêché la marche d’aller plus loin en ville.

Des photos prises par l’AFP montrent plusieurs corps de civils allongés par terre derrière le check-point mais il est difficile de dire s’ils étaient morts ou blessés.

Le porte-parole du groupe chiite, Ibrahim Musa, a affirmé qu’ils avaient récupéré quatre cadavres mais a estimé que le bilan pourrait être plus lourd car il y avait de « nombreux » blessés et que l’armée a emporté des corps.

L’ONG Amnesty International a souligné que les informations selon lesquelles des soldats avaient tiré à balles réelles sur des manifestants non armés étaient « très inquiétantes ».

Les partisans de Zakzaki ont organisé ces derniers mois de nombreuses manifestations dans Abuja pour réclamer sa libération, débouchant sur des heurts avec la police.

Il est emprisonné depuis les violentes manifestations qui avaient secoué Zaria, dans le nord du Nigeria, en décembre 2015.

Des groupes de défense des droits de l’homme avaient alors accusé les militaires d’avoir tué plus de 300 chiites durant ces manifestations et de les avoir ensuite enterrés dans des fosses communes, ce que l’armée a démenti.

– Risques de radicalisation –

Ibrahim Zakzaky conteste l’autorité d’Abuja depuis des années et souhaite établir un Etat islamique chiite à l’iranienne dans un pays où les musulmans sunnites sont très largement majoritaires.

Depuis son arrestation, le sexagénaire qui a perdu un oeil dans les violences de 2015, n’a été vu en public que deux fois.

Fin 2016, un tribunal fédéral avait jugé la détention du leader chiite illégale et ordonné sa libération. Mais cette décision n’a jamais été exécutée par les autorités nigérianes.

En avril, au moins 115 personnes avaient été arrêtées durant des marches de protestation à Abuja. Les processions de l’IMN lors de la fête religieuse annuelle de l’Achoura ont également souvent été sources de tensions avec les autorités, comme en novembre 2016, lorsque 10 personnes avaient été tuées près de Kano (nord).

La répression musclée des membres l’IMN font craindre à certains observateurs une escalade de violence, voire un scénario à la Boko Haram. Le groupe jihadiste qui mène depuis neuf ans une sanglante insurrection dans le nord-est, contestait surtout au départ la mauvaise gouvernance et la corruption des autorités.

Mais Boko Haram s’est radicalisé après que 800 personnes, dont son fondateur Mohammed Yusuf, eurent été tués en juillet 2009 dans la capitale du nord-est, Maiduguri.

L’insurrection a depuis lors fait plus de 27.000 morts et 2,6 millions de déplacés.

« Il semble que nous n’apprenons pas de nos erreurs passées », a déclaré Amaechi Nwokolo, analyste en sécurité à l’Institut romain d’études internationales d’Abuja.

Les forces de sécurité n’ont « pas le droit d’utiliser cette force maximale » sur des manifestants non armés, a-t-il rappelé, avertissant que cela pourrait « inciter d’autres personnes à se radicaliser ».

« Si nous remontons aux débuts de Boko Haram, ce sont les assassinats de personnes innocentes qui ont galvanisé le recrutement. C’est ainsi que le terrorisme fonctionne », a-t-il ajouté.

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