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Opération anticorruption au Gabon: l’ex porte-parole de la présidence incarcéré

La vaste opération anticorruption lancée au Gabon se poursuit jusqu'au sommet de l'Etat avec la mise en détention provisoire de…

La vaste opération anticorruption lancée au Gabon se poursuit jusqu’au sommet de l’Etat avec la mise en détention provisoire de l’ancien porte-parole de la présidence Ike Ngouoni, suspecté notamment de complicité de détournement de fonds publics.

Gardé à vue depuis le jeudi 21 novembre, M. Ngouoni a été déféré vendredi et placé sous mandat de dépôt, a indiqué dimanche l’AFP son avocate Carole Moussavou.

« Il est actuellement à la prison centrale de Libreville. Selon le juge d’instruction, mon client aurait bénéficié de rétrocommissions », a-t-elle ajouté.

L’incarcération de M. Ngouoni vient s’ajouter à celles de plus d’une dizaine de cadres de l’administration publique gabonaise mis en détention provisoire depuis jeudi.

La majorité d’entre eux sont des proches de l’ancien homme fort de la présidence gabonaise, Brice Laccruche Alihanga. Ils ont été interpellés après le limogeage de M. Laccruche à la direction du cabinet du président Ali Bongo Ondimba le 7 novembre.

Un poste qu’il occupait depuis deux ans, et où il n’avait cessé de gagner en influence, notamment après un accident vasculaire cérébral (AVC) de M. Bongo survenu en octobre 2018.

Ce pouvoir grandissant avait suscité de très nombreuses critiques, au moment où M. Laccruche plaçait plusieurs de ses proches à des postes clés. Il a depuis été nommé à la tête d’un ministère à l’intitulé singulier: celui du suivi de la « Stratégie des investissements humains et des objectifs de développement durable ».

L’ancien porte-parole de la présidence Ike Ngouoni, également bras droit de M. Laccruche, est suspecté de « complicité de détournements de fonds publics, de détournement de fonds publics et de blanchiment de capitaux », a précisé à l’AFP son avocate.

– Complicité –

« On parle de complicité de détournement de fonds, mais qui est l’auteur principal ? », interroge-t-elle. « Selon eux, ce serait Brice Laccruche, nous ne sommes aujourd’hui qu’au début de l’instruction », avance-t-elle.

Selon elle, l’incarcération de son client ne serait pas en lien avec la Gabon Oil Company (GOC), une entreprise publique dont la gestion se trouve être au coeur de l’opération anticorruption. En deux ans, 85 milliards de francs CFA (129 millions d’euros) se seraient « volatilisées », selon un article publié mercredi par le quotidien pro-gouvernemental l’Union.

L’administrateur-directeur général de cette entreprise, Patrichi Tanasa, proche de M. Laccruche, a été incarcéré jeudi, au côté de dix autres cadres.

L’enquête de l’Union cible notamment la Dupont Consulting Company, une société privée ayant passé plusieurs contrat avec la GOC, dont l’administrateur est Gregory Laccruche, le frère de Brice Laccruche. Il a été interpellé mercredi.

Plusieurs avocats des personnes interpellées ont dénoncé une « vendetta politique » et la presse d’opposition parle, elle, d' »une chasse aux sorcières ».

De son côté, la présidence a appelé à « dépolitiser » l’enquête. « Quelle que soit votre place, s’il y a des soupçons, il n’y a pas d’impunité. Maintenant c’est à la justice de faire son travail, de trancher », a déclaré Jessye Ella Ekogha, qui remplace M. Ngouoni.

– Du mamba au scorpion –

Selon lui, il s’agit surtout de la suite de l’opération Mamba, lancée en 2017 par le président pour lutter contre la corruption. Une opération que la presse a renommé « opération scorpion ».

Depuis le limogeage de M. Laccruche, le chef de l’Etat Ali Bongo Ondimba a procédé à de nombreux changements. Il a tenu fin novembre un conseil extraordinaire de la magistrature, une première en dix ans au pouvoir, où dans la foulée, le procureur de la République Olivier N’Zahou a été écarté.

Plusieurs responsables des renseignements et de l’appareil sécuritaire, proches de M. Laccruche, ont également été remplacés.

Face à ce bouleversement de la vie politique gabonaise, une partie de l’opposition continue d’affirmer que le président Bongo n’est plus en capacité de diriger le pays.

Le collectif d’opposants Appel à agir, qui demande une expertise sur la santé du président depuis mars, estime que « les impostures se succèdent à la tête du pays ». Il dénonce « une monarchisation » du Gabon, affirmant que les récents bouleversements témoignent du « pouvoir grandissant de l’épouse et du fils d’Ali Bongo ».

Samedi et dimanche, M. Bongo, dont les apparitions publiques sont rares depuis son AVC, a assisté au marathon de Libreville. Il était accompagné de sa femme Sylvia et de son fils Nourredine.

Plusieurs membres du gouvernements avaient également fait le déplacement. M. Laccruche, d’habitude omniprésent, était, lui, aux abonnés absents.

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