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Otages de jihadistes au Nigeria: « une torture psychologique indescriptible »

Ce chauffeur du bus a tout de suite compris que quelque chose n'allait pas quand des hommes armés lui ont…

Ce chauffeur du bus a tout de suite compris que quelque chose n’allait pas quand des hommes armés lui ont fait signe de se ranger au bord de la route reliant l’Etat du Borno à l’Etat de Yobe, dans le nord-est du Nigeria, région au coeur de l’insurrection de Boko Haram.

C’était il y a deux semaines, mais ce genre d’attaques et d’enlèvements sont de plus en plus courant depuis le début du mois de décembre sur cette route, le seul cordon ombilical de survie pour Maiduguri, ville de plusieurs millions d’habitants encerclée par les violences.

Des combattants jihadistes, habillés d’uniformes de l’armée nigériane, se font passer pour des soldats et terrorisent les rares véhicules qui osent encore emprunter cette voie.

« Ils m’ont braqué avec les six autres passagers et nous ont emmenés (…) dans la brousse », raconte le chauffeur à l’AFP, demandant à rester anonyme pour sa propre sécurité.

« J’ai passé quatre jours en détention. Je n’ai jamais eu aussi peur, et je n’ai jamais été aussi traumatisé de toute ma vie », confie-t-il.

La sécurité sur cette voie est extrêmement aléatoire depuis l’émergence du conflit provoqué par Boko Haram en 2009, et particulièrement depuis son apogée en 2014.

La région est récemment passée sous contrôle de l’ISWAP, branche du groupe affiliée à l’Etat Islamique, qui cible davantage les militaires, mais aussi les chrétiens ou les agences internationales, notamment les humanitaires.

Début décembre, quatorze personnes, dont deux travailleurs humanitaires, ont été enlevées au niveau de Jakana et quelques semaines plus tard, les jihadistes ont diffusé une vidéo d’une terrible violence où ils abattent et tranchent la gorge de onze de leurs captifs.

Le chauffeur de bus et ses passagers ont été enfermés dans des pièces sous un toit de taule, dans l’angoisse d’être « emmenés et tués à tout moment », poursuit-il, ajoutant: « C’est une torture psychologique indescriptible ».

Contrairement à ce qui se pratique dans le reste du pays, Boko Haram et l’ISWAP ne procèdent pas à des kidnappings contre rançon, mais un « juge » passe voir les captifs et décide de leur sort en quelques minutes à peine d’interrogatoire.

S’il décide que tel ou tel otage doit porter une combinaison orange, c’est le signe de son arrêt de mort.

– « Barrages illégaux » –

Le « juge » a demandé au chauffeur d’avouer ses « crimes ». « Je lui ai dit que je n’avais rien fait de mal, que j’avais juste conduit le bus sur la route », se souvient-il.

Les jihadistes l’ont finalement laissé partir. Il était musulman, et ne semblait pas être de mèche avec l’armée. « Mais je ne sais pas ce qu’il est advenu de mes passagers », se désespère le chauffeur. « Lorsque je les ai quittés, ils attendaient encore leur +jugement+ ».

Les ONG internationales, qui restent très présentes dans cette région dévastée par plus de dix ans de conflit, ont tiré la sonnette d’alarme et mis en garde les autorités contre l’insécurité rampante sur les routes du nord-est.

« Il y a de plus en plus de checkpoints tenus par les insurgés » ont fait savoir les Nations Unis qui coordonnent l’aide humanitaire.

L’armée a rappelé aux automobilistes qu’il ne fallait pas s’arrêter aux « barrages illégaux », et assure que les axes principaux sont « sûrs », malgré l’augmentation des incidents.

Les véhicules se font d’ailleurs de plus en plus rares, ou se déplacent en convois, parfois sécurisés par l’armée. Car la ville de Maiduguri a besoin d’être approvisionnée. « Il faut partir pour acheter à manger », explique Mohammed Adam, passager d’un taxi collectif. « Je peine à me nourir et à nourir ma famille ».

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