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Philippines: verdict attendu dix ans après le massacre politique de 58 personnes

Un tribunal de Manille doit rendre jeudi son verdict à l'encontre des responsables présumés du massacre en 2009 de 58…

Un tribunal de Manille doit rendre jeudi son verdict à l’encontre des responsables présumés du massacre en 2009 de 58 personnes sur fond de rivalités politiques et claniques. Un jugement très attendu aux Philippines où prime l’impunité judiciaire des plus puissants.

Le 23 novembre 2009, 58 personnes, dont 32 journalistes, qui voyageaient en convoi dans la province de Maguindanao, sur l’île de Mindanao (sud), étaient tombées dans une embuscade. Elles avaient été abattues et leurs corps enterrés sur place.

Ce pire crime politique jamais perpétré dans l’archipel avait suscité l’indignation de la communauté internationale et mis en lumière les problèmes endémiques de la société: dynasties politiques toutes-puissantes, culture de l’impunité et possibilité de se procurer facilement des armes.

Le procès de la centaine d’accusés, qui s’est achevé en juillet, a été notamment entaché par des soupçons de corruption et le meurtre de quatre témoins.

Les familles l’ont vécu comme une véritable épreuve, redoutant l’acquittement des principaux suspects.

Une condamnation « serait un signal fort envoyé aux personnes qui violent les droits de l’Homme et cela montrerait qu’ils ne peuvent pas toujours s’en tirer », a affirmé à l’AFP Carlos Conde, de l’organisation Human Rights Watch (HRW) à New York.

Un acquittement serait à l’inverse une « catastrophe » car les seigneurs de la guerre estimeraient « qu’ils peuvent continuer à avoir recours à la violence, l’intimidation et la corruption pour diriger leurs communautés », selon M. Conde.

Les dirigeants du puissant clan local Ampatuan sont soupçonnés d’être à l’origine de ce massacre. Ce jour-là, 58 personnes avaient pris place dans un convoi pour assister au dépôt de candidature d’un rival de ce puissant clan à des élections.

Gouverneur de Maguindanao pendant près d’une décennie, le chef Andal Ampatuan souhaitait voir lui succéder son fils, Andal Ampatuan junior, considéré comme le principal exécutant du crime.

– Un puissant clan –

Les avocats de nombreuses familles de victimes ont affirmé à l’AFP que les 101 accusés, qui ont plaidé non coupables, sont passibles d’une peine allant jusqu’à 30 ans d’emprisonnement, sans possibilité de libération conditionnelle, s’ils sont reconnus coupables d’un seul de ces 58 meurtres.

Cette attaque avait été menée en plein jour. Des avocats, des journalistes ainsi que l’épouse et des membres de la famille du rival du clan Ampatuan figuraient parmi les victimes abattues par des rafales d’armes à feu.

Ces meurtres illustrent la manière dont l’ancienne présidente Gloria Arroyo (2001-2010) a accepté que le clan Ampatuan règne, via sa puissante milice privée, sur Maguindanao, une province pauvre du sud du pays, avec l’objectif qu’il s’oppose aux rebelles séparatistes musulmans de l’île.

Aux Philippines, il n’est pas rare que les affaires judiciaires les plus ordinaires mettent des années avant d’être jugées en raison d’un système judiciaire débordé, sous-financé et vulnérable aux pressions.

Cette affaire ne fait pas exception et les familles des victimes redoutent de longue date que les Ampatuan, qui continuent d’exercer le pouvoir politique, réussissent à échapper à toute condamnation.

Dix membres de ce clan demeurent emprisonnées, l’un d’entre-eux est en liberté sous caution et une quinzaine d’autres sont toujours en cavale.

Les charges à l’encontre de huit autres accusés ont été abandonnées.

« Nous espérons et nous prions pour que le jugement soit équitable », a affirmé Mary Grace Morales, dont la soeur et l’époux font partie des 32 journalistes tués.

Sur les 197 suspects au départ, 80 sont toujours dans la nature, parmi eux figurent 15 membres du clan Ampatuan.

Ce dernier a remporté 25 sièges lors des élections locales en mai. Parmi eux figurait, Sajid Ampatuan, un des principaux suspects dans ce massacre. Il est en liberté sous caution.

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