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Pilotes à louer: la solution de South African Airways pour sortir des turbulences financières

La prochaine fois que vous bouclez votre ceinture avant un décollage, il y a une chance que votre pilote soit…

La prochaine fois que vous bouclez votre ceinture avant un décollage, il y a une chance que votre pilote soit sud-africain. En pleines turbulences financières, South African Airways (SAA) a décidé de « louer » ses pilotes et son personnel navigant.

Les pertes de la compagnie nationale alimentent la chronique depuis de longues années, exemple parmi d’autres de la gestion catastrophique des entreprises publiques reprochée à l’équipe de l’ancien président du pays Jacob Zuma.

Sous perfusion permanente d’aides d’urgence, SAA est déficitaire depuis six ans. Elle a perdu 5,6 milliards de rands (420 millions de dollars) pendant l’année fiscale 2017-18 et sa dette atteint désormais 680 millions de dollars.

« On se demande si la compagnie va survivre », résume son porte-parole, Tlali Tlali.

En prenant les commandes de la compagnie à la fin de l’année dernière, son nouveau PDG Vuyani Jarana a affiché sa volonté de redresser ses comptes. A situation désespérée, il a trouvé une solution originale.

Son constat est simple: la compagnie emploie pléthore de pilotes, comme le reconnaît lui-même leur syndicat.

Alors, plutôt que de procéder à des licenciements, extrêmement impopulaires, pourquoi ne pas simplement « louer » le surplus de pilotes aux compagnies aériennes étrangères désespérément en manque de personnel navigant ?

Portée par la forte croissance du trafic aérien, la demande mondiale de pilotes ne cesse de croître. D’ici 2036, il faudra recruter 635.000 nouveaux pilotes, estime ainsi Boeing.

– Offre alléchante –

Les écoles peinent à remplir les cockpits des avions que crachent sans faiblir les chaînes de montage du constructeur américain et de son concurrent européen Airbus, au point que certaines compagnies souffrent déjà de pénurie.

Le Japon a ainsi dû prolonger l’âge de départ à la retraite de ses pilotes à 67 ans. Et des compagnies chinoises tentent de les débaucher en leur faisant miroiter des salaires annuels alléchants qui peuvent monter jusqu’à un demi-million de dollars.

« On assiste à une véritable crise dans certaines compagnies, qui provoque l’annulation de certains vols et de graves perturbations », explique Patrick Smith, pilote et animateur du blog d’aviation « Ask the Pilot ».

Avec son nouveau projet, le patron de SAA espère convaincre ses concurrents d’offrir des « piges » à ses salariés. Des négociations, discrètes, sont ainsi en cours avec Emirates, Turkish Airlines ou Singapore Airlines.

Mais, pour que son pari réussisse, encore faut-il que ses pilotes acceptent d’aller voler sous d’autres cieux.

Le descriptif de l’offre d’expatriation, pour une période de cinq ans, est très alléchant. « Salaire très lucratif en dollars, vivre et travailler dans un nouveau pays dynamique, avec des formidables opportunités de voyage », avec en prime un aller-retour en classe affaires toutes les trois semaines.

Cette proposition a toutefois été accueillie avec scepticisme.

Le syndicat des pilotes de SAA s’est dit « déçu » et « consterné » par une offre qui, dit-il contraint ses membres à accepter le contrat sous peine d’être licenciés ou placés en disponibilité « à cause de la mauvaise gestion des six dernières années ».

– Sureffectifs –

« Des pilotes ne verront pas leur famille pendant trois ou quatre semaines parfois. Certaines familles devront déménager à l’étranger », énumère son vice-président, Grant Back.

Il préfère une autre option. Faire voler les pilotes de SAA sur des appareils de Mango, sa filiale low-cost. Mais la direction refuse.

Pour l’instant, c’est donc l’impasse. La réalité des chiffres impose pourtant de mettre rapidement SAA au régime sec.

La compagnie emploie aujourd’hui plus de 900 personnes pour chacun de ses avions en service. Contre 150 à peine à British Airways. La presse locale a récemment affirmé qu’elle emploiyait 50 pilotes et membres d’équipage « à ne rien faire ».

Louer ses pilotes est « un bon moyen de réduire les coûts de base, ce dont la compagnie a désespérément besoin », insiste l’expert Joaquim Vermooten.

Certains pilotes de SAA semblent tentés par l’aventure.

Employé depuis quatorze ans dans la compagnie, Barry Elsip, célibataire, est courtisé par Air Japan, avec qui il a commencé à négocier son contrat temporaire. Une chance, dit-il, « faute de croissance actuellement à SAA ».

En plus de prêter ses pilotes, la compagnie sud-africaine veut réduire ses vols, notamment en divisant par deux le nombre de ses dessertes quotidiennes entre Johannesburg et Londres.

Pour SAA, le temps presse. Arrivé au pouvoir en février en promettant d’arrêter le gaspillage de l’argent public, le président Cyril Ramaphosa a prévenu que les aides de l’Etat – plus de 300 millions d’euros déjà cette année – ne seraient pas éternelles.

L’échec de son plan de redressement pourrait aussi coûter cher à son patron Vuyani Jarana. Si les finances de SAA ne redécollent pas, il a promis de verser 100.000 rands (6.000 euros) de sa poche à une cause humanitaire…

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