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Pour les habitants du village natal de Béchir, il était temps qu’il parte

"Je suis originaire de son village et je n'ai vu aucun avantage pendant son règne". A Hosh Bannaga, bourg natal…

« Je suis originaire de son village et je n’ai vu aucun avantage pendant son règne ». A Hosh Bannaga, bourg natal du président soudanais déchu Omar el-Béchir, Mohamedali Abdel Hamid comme d’autres habitants estiment qu’il était temps pour le chef de l’Etat de partir.

Habillé d’une robe traditionnelle, ce fermier de cette région située à 170 km au nord de Khartoum accuse l’ex-président de n’avoir rien fait pour le développement du village pendant ses trois décennies au pouvoir.

« Seuls ses proches en ont profité. Ils possèdent des voitures, des fermes et des vaches. Mais pas nous », dit-il à l’AFP. « Je ne suis pas attristé par son départ ».

Faisant partie des dirigeants africains à la plus longue longévité au pouvoir, M. Béchir, 75 ans, a présidé le Soudan d’une main de fer après s’être emparé du pouvoir par un coup d’Etat soutenu par les islamistes en juin 1989.

Il était connu pour sa volonté de se montrer proche des foules à qui il s’adressait en dialecte soudanais.

Mais son destin a été scellé le 11 avril par l’armée qui l’a destitué et arrêté après une contestation populaire inédite déclenchée en décembre 2018 pour protester, au départ, contre une décision gouvernementale de tripler le prix du pain dans un pays pauvre à l’économie exsangue.

Les manifestations n’ont toutefois pas touché Hosh Bannaga, mais Nasser Ibrahim est heureux de voir M. Béchir destitué.

« Regardez l’état du village: même l’école où il a étudié n’a été reconstruite que l’année dernière après la chute d’un enfant dans les toilettes », clame ce villageois.

– 30 ans, c’est assez –

La majorité des maisons à Hosh Bannaga sont faites de terre, mais pas celle de la famille Béchir construite en briques et abritant une cour intérieure. La maison est d’ordinaire vide mais l’ex-président y séjournait lors de ses visites.

La plupart des rues ressemblent à des pistes de sable, et une seule route relie le village à l’autoroute menant à la capitale Khartoum.

Il y a toutefois un marché local et un hôpital qui fournit une aide médicale aux villages alentour, mais une partie est toujours en construction.

La première épouse de M. Béchir, Fatima Khaled, y a ouvert un centre communautaire pour femmes et enfants.

Des vestiges archéologiques ont été retrouvés dans les environs du village situé non loin des pyramides soudanaises de Méroé (220 km au nord de Khartoum), site archéologique classé par l’Unesco au patrimoine mondial de l’humanité.

Vêtu d’une robe blanche et d’un chapeau traditionnels, M. Ibrahim affirme avoir des liens de parenté avec M. Béchir. Il raconte que lorsque ce dernier « venait pour des événement sociaux, il s’asseyait avec nous et nous racontait ses souvenirs du village ».

Pour lui, M. Béchir n’est « pas corrompu » mais en tant que président il était responsable de son entourage qui était corrompu. « C’est pour cela que je pense que 30 ans, c’est assez ».

– « Pars, c’est tout » –

Mais à Hosh Bannaga, certains se disent attristés par la mise à l’écart de M. Béchir, qui n’a pas d’enfants et dont les deux épouses sont restées avec lui jusqu’à sa destitution. Leur sort est aujourd’hui inconnu.

« Oui, il y a une crise économique et les gens n’ont pas accès aux produits essentiels, mais c’est à cause des guerres », affirme Mahmoud Issa.

Il faisait allusion aux rébellions qui secouent différentes régions du pays et à la guerre qui a opposé de 1983 à 2005 le Nord au Sud (quelque deux millions de morts) et mené à l’indépendance en 2011 du Soudan du Sud.

M. Béchir fait en outre l’objet de mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour des accusations de « génocide » au Darfour, où un conflit meurtrier oppose depuis 2003 les forces soudanaises à des rebelles de minorités ethniques s’estimant marginalisées.

« Il a été forcé de faire ces guerres, car pour préserver l’unité du pays, il faut utiliser la force » clame M. Issa.

De jeunes villageois comme Mohamed, qui a refusé de donner son nom, ne sont toutefois pas convaincus par cet argument.

« Il méritait de partir parce qu’il a protégé des personnes corrompues. Nous n’avons pas eu de manifestations à Hosh Bannaga mais s’il y en avait eu, j’y aurais participé », lance-t-il.

Faisant le V de la victoire, Mohamed se met à scander « Pars, c’est tout », l’un des appels du mouvement de contestation qui a entraîné la chute de l’enfant le plus célèbre de Hosh Bannaga.

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