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Présidentielle au Brésil: Bolsonaro, la démocratie en péril

Le député d'extrême droite Jair Bolsonaro a désormais toutes les chances de figurer au 2e tour de la présidentielle au…

Le député d’extrême droite Jair Bolsonaro a désormais toutes les chances de figurer au 2e tour de la présidentielle au Brésil, un scénario impensable il y a peu et qui fait aujourd’hui trembler les défenseurs de la démocratie.

Ce laudateur décomplexé de la dictature (1964-85) arrive deuxième, derrière Lula, dans les intentions de vote pour le 1er tour du 7 octobre, mais en première position en cas de disqualification — très probable — de l’ancien chef d’Etat emprisonné pour corruption.

L’abracadabrante poussée de Lula dans les sondages a occulté le fait que M. Bolsonaro progressait depuis janvier, y compris dans les bastions électoraux du PSDB, grand parti du centre droit, et était en tête dans une demi-douzaine d’Etats.

Parcourant en début de semaine un marché de Madureira, quartier entouré de favelas à Rio, l’ex-capitaine de l’armée de 63 ans ne boude pas son plaisir devant les admirateurs qui l’acclament aux cris de « Mito, Mito! » (« le Mythe! »).

Syntaxe approximative et cheveu sur la langue, M. Bolsonaro n’a objectivement rien d’un mythe vivant quand il lance entre les étals de tissu synthétique ses formules caractéristiques : « Les armes ne nourrissent pas la violence, les fleurs n’apportent pas la paix ».

Pouce en l’air et sourire Gibbs, celui qui est député depuis 27 ans se prête avec grâce aux selfies. En particulier avec des femmes, dont 43% disent avoir une telle répulsion pour ce misogyne qu’elles ne voteraient jamais pour lui.

Rejeté également par la communauté noire ou LGBT pour cause de racisme et d’homophobie — il préférerait voir son « fils tué dans un accident plutôt qu’homosexuel » -, Bolsonaro est avant tout le symptôme d’une crise aiguë: les Brésiliens sont dégoûtés par la corruption, la violence et les inégalités sociales.

« Que les sondages accordent près de 20% à Bolsonaro est une véritable honte », estime l’universitaire Ruy Fausto. « Il ne gagnera pas mais il suffit de voir ce genre de vote pour comprendre que le pays va très mal ».

– Discours sécuritaire –

Avec 8,5 millions d’abonnés sur Facebook, Twitter et Instagram, M. Bolsonaro dispose d’une force de frappe largement supérieure aux 12 autres candidats.

Il séduit les jeunes, qui n’ont pas connu la dictature: 60% de ses soutiens ont moins de 34 ans. Catholique, il courtise les églises évangéliques. Ce héraut de la loi et de l’ordre plaît aussi aux pauvres, comme aux classes moyennes, à des intellectuels. Et même parfois à gauche.

C’est son discours sécuritaire qui porte.

Pour combattre la violence au Brésil qui a atteint l’an dernier le record de près de 64.000 homicides, M. Bolsonaro propose un assouplissement du port d’armes, pour les « bons citoyens ».

« Si jamais l’un de nous, civil ou militaire, est attaqué et riposte par 20 coups de feu, il doit être décoré et non condamné », a-t-il lancé à Madureira.

Il a fini par trouver son vice-président: le général de réserve Antonio Hamilton Mourao, qui avait affirmé en 2017 que si la situation politique continuait de se dégrader l’armée serait obligée d »imposer une solution ».

M. Bolsonaro a annoncé que s’il était élu il accorderait six ministères à des généraux. « Il veut donner aussi un plus grand rôle à la police fédérale contre le crime organisé », relève David Fleischer, professeur émérite de sciences politiques de l’Université de Brasilia.

Encore faudrait-il qu’il puisse constituer une majorité pour gouverner.

L’élection brésilienne est à ce stade si imprévisible que l’hypothèse d’un président d’extrême droite n’est plus fantaisiste.

« Il y a une petite possibilité qu’il soit élu », dit David Fleischer. « Cela dépend de qui sera en face de lui au 2e tour »: Marina Silva (écologiste), Ciro Gomes (centre gauche) ou Geraldo Alckmin » (centre droit).

Ceux que la progression de M. Bolsonaro font trembler se raccrochent à un espoir.

La campagne radio-TV qui commence vendredi va le desservir. Sa formation, le Parti social libéral(PSL) ayant très peu de députés, son temps de parole se limite à huit secondes par spot. M. Alckmin, grâce à ses alliances, a plus de 5,30 minutes.

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