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Présidentielle au Brésil: la tentation de l’extrême droite

Un Brésil en crise et très divisé votait dimanche pour le premier tour de la présidentielle dont le candidat d'extrême…

Un Brésil en crise et très divisé votait dimanche pour le premier tour de la présidentielle dont le candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro, un nostalgique de la dictature militaire, est l’immense favori.

Sous la surveillance de quelque 280.000 policiers et militaires, 147 millions d’électeurs étaient attendus dans les bureaux jusqu’à 19H00 (22H00 GMT) dans ce pays où le vote est obligatoire. Les résultats définitifs sont attendus dans les deux heures.

Dans la matinée, des files d’attente de dizaines d’électeurs se sont formées, dans le centre de Sao Paulo ou de Rio, selon des journalistes de l’AFP. L’ambiance était calme, souvent familiale, contrastant avec les discours parfois haineux d’une campagne très polarisée.

Jair Bolsonaro, ex-capitaine de l’armée devenu un phénomène électoral depuis qu’il a frôlé la mort dans un attentat le 6 septembre, a voté en début de matinée à Rio.

« Ca va se terminer aujourd’hui », a-t-il assuré devant des journalistes. « Le 28 (octobre, date du deuxième tour), on va à la plage ! », a-t-il lancé, provocateur.

Un scénario qui fait trembler les démocrates dans le grand pays latino-américain, mais que certains analystes n’excluent plus.

« Le Brésil veut du changement », a déclaré à l’AFP Roseli Milhomem, dans un bureau du centre de Brasilia. « On en a assez de la corruption. Notre pays est riche, il ne peut pas tomber entre de mauvaises mains ».

Rubens Dantas de Oliveira, retraité de 58 ans, a aussi voté pour l’ex-militaire : « Nous ne pouvons pas voter toujours pour les mêmes candidats, les mêmes partis. Il faut un changement général ».

– « Catastrophe » –

Bolsonaro, un député de 63 ans qui s’est fait connaître par ses sorties racistes, misogynes et homophobes, devrait facilement se qualifier pour le 2e tour.

« Ca serait une catastrophe s’il passait », déclare à l’AFP José Dias, qui attend de voter dans une école du nord de Brasilia. « Beaucoup de jeunes votent pour lui, ils ne savent pas ce qu’a été la dictature » (1964-85). « Moi je vais voter (Fernando) Haddad », dit cet électeur de gauche.

Le candidat du Parti des travailleurs (PT), principal rival de Bolsonaro, a voté en milieu de matinée à Sao Paulo, ville dont il fut maire, entouré de militants chantant à plein poumon pour couvrir un concert de casseroles lancé par des voisins du bureau de vote.

« Le Brésil court un grand risque », a-t-il déclaré. Le second tour sera « l’occasion pour les Brésiliens de comparer les projets », a-t-il insisté.

Les instituts Ibope et Datafolha accordaient samedi soir à Bolsonaro, du Parti social libéral (PSL), 40 et 41% des intentions de vote, devant Haddad, (25%), 55 ans, qui a remplacé l’ex-président Luiz Inacio Lula da Silva — emprisonné pour corruption et inéligible.

Le duel qui se profile pour le 2e tour sera le résultat d’une attraction des électeurs vers les extrêmes, concomitante à l’effondrement du centre, notamment le grand parti PSDB de Geraldo Alckmin.

Ciro Gomes (PDT, centre gauche) n’a que 13 à 15% des intentions de vote, alors qu’il est le mieux à même de battre Bolsonaro au 2e tour.

Grièvement blessé lors d’un attentat, Jair Bolsonaro a mené la danse depuis son lit d’hôpital. Sa force de frappe a été décuplée par les réseaux sociaux: sur Facebook seulement il a plus de sept millions d’abonnés.

Il a prospéré sur « deux courants forts », note le politologue David Fleischer: un fort sentiment anti-PT et anti-Lula, et un rejet de la classe politique classique.

– « Le meilleur pour le pays » –

Ce catholique admirateur de Donald Trump est vu comme l’homme fort qui peut endiguer la violence et redresser l’économie avec un « Chicago boy »: l’ultra-libéral Paulo Guedes.

Député pendant 27 ans, fait rare, il n’a jamais été impliqué dans un scandale de corruption.

Ses électeurs se recrutent dans toutes les couches sociales et parmi les jeunes. Les puissants lobbys pro-armes, de l’agro-business et les évangéliques sont derrière lui.

Mais par ses insultes Bolsonaro s’est aliéné les Noirs, les femmes et les homosexuels.

Haddad, lui, est le réceptacle de la haine farouche qu’inspire Lula à des millions de Brésiliens.

Le PT a gagné les quatre dernières présidentielles, mais est jugé par beaucoup responsable des plaies actuelles du Brésil. Le candidat n’a pas fait l’inventaire de ces années-là.

Celui qui succèdera pour quatre ans au très impopulaire Michel aura pour tâche d’extraire ce pays-continent du marasme économique et de redonner de l’espoir à un peuple exaspéré par la violence et une corruption endémique.

Les élections des gouverneurs et des assemblées des 27 Etats, des 513 députés de la Chambre basse et des deux tiers des 81 sénateurs également prévues dimanche ne devraient toutefois pas transformer radicalement le paysage politique.

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