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Présidentielle au Brésil: l’extrême droite très proche du pouvoir

Les Brésiliens élisaient dimanche leur président, mais semblaient faire leur choix plus par rejet que par conviction entre le sulfureux…

Les Brésiliens élisaient dimanche leur président, mais semblaient faire leur choix plus par rejet que par conviction entre le sulfureux candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro, grand favori, et son adversaire de gauche Fernando Haddad.

Après le scrutin du 7 octobre qui a vu Bolsonaro frôler une élection dès le premier tour (46% des suffrages), 147 millions d’électeurs ont repris le chemin des urnes dans le plus grand pays d’Amérique latine.

Les bureaux, dotés d’urnes électroniques, devaient fermer à 19H00 (22H00 GMT) et les résultats tomber environ une heure après.

Jair Bolsonaro a voté à Rio en passant par une porte latérale du bureau pour éviter la foule. Accompagné de sa troisième épouse Michelle, il n’a fait aucune déclaration, « pour des raisons de sécurité », se contentant de faire le V de la victoire devant des partisans euphoriques.

Comme au premier tour, le vote a a été moins confortable pour Fernando Haddad à Sao Paulo, ville dont il fut maire (2012-2016). Il a été accueilli par des militants brandissant des roses et entonnant des chansons traditionnelles de la gauche, mais aussi par un concert de casseroles d’opposants.

Une ambiance tendue qui a provoqué quelques brefs accrochages entre militants, forçant la police à s’interposer.

« La démocratie est en danger. Les libertés individuelles sont en danger », a déclaré M. Haddad à la sortie du bureau de vote. Mais « le Brésil s’est réveillé ces derniers jours. J’attends les résultats avec beaucoup d’espoir », a-t-il lancé.

– « J’ai très peur » –

Les deux derniers sondages samedi soir ont crédité , du Parti social libéral (PSL), de 54 et 55 % des intentions de vote et , du Parti des travailleurs (PT) de l’ex-président Lula, de 46 et 45%.

L’écart entre les deux prétendants à la fonction suprême pour un mandat de quatre ans, est passé de 18 points à la mi-octobre à 8 à 10 points à la veille du scrutin.

« Je continue de penser que Bolsonaro est favori », estime Gaspard Estrada, spécialiste de l’Amérique latine à Sciences Po, mais « dans l’histoire électorale du Brésil il n’est pas du tout exclu qu’il y ait des mouvements forts dans les dernières 24 heures ».

Renata Arruda, 41 ans, a voté Haddad. « Je n’ai jamais vécu une élection aussi polarisée. Je pense que c’est à cause de Bolsonaro qui est quelqu’un d’agressif, de fou. J’ai très peur », dit-elle en fondant en larmes dans un bureau à Sao Paulo, à l’évocation de ce chantre de la dictature (1964-1985).

Marcos Kotait, un publicitaire de 40 ans, a été parmi les premiers à voter à Sao Paulo. Il estime que « les dernières fois on votait par choix, et non contre quelque chose ».

Pour Roberto Benevides, 53 ans, pas question de voter pour la gauche: « J’ai voté pour le PT dans le passé et je me suis senti trahi », dit cet électeur de Brasilia.

Après une dure campagne de l’entre-deux tours, alimentée par des discours de haine et émaillée de violences, le vote se déroulait « en toute normalité » dimanche, a déclaré Laura Chinchilla, présidente de la mission de l’Organisation des Etats américains (OEA), chargée d’observer le scrutin.

Le président sortant Michel Temer a de son côté indiqué que la transition débuterait « dès demain », lundi.

– « Balayer les corrompus » –

Dans un par une violence record, le marasme économique, une corruption endémique et une crise de confiance aiguë dans la classe politique, Jair Bolsonaro a réussi à s’imposer comme l’homme à poigne dont le Brésil a besoin.

Catholique défenseur de la famille traditionnelle, il a reçu le soutien crucial des puissantes églises évangéliques et a indigné, par ses déclarations outrancières, une bonne partie des Noirs, des femmes et des membres de la communauté LGBT.

A Brasilia, Luisa Rodrigues Santana, étudiante, a voté Haddad car « si Bolsonaro est élu, cela va libérer toute cette haine accumulée chez tout le monde ». « En tant que femme noire, de la communauté LGBT, j’ai peur », dit-elle.

Mais pour Marcio Coimbra, de l’Université presbytérienne Mackenzie, le Brésil a des garde-fous solides avec « un parquet fort, une Cour suprême forte et un Congrès qui fonctionne ».

Bolsonaro, qui est en passe de priver le PT d’une cinquième victoire d’affilée à une présidentielle, a capitalisé sur l’exaspération des Brésiliens en jouant sur le registre du « tous pourris » et un virulent sentiment anti-pétiste.

« Bolsonaro va balayer les corrompus, il va chasser ces escrocs, ces communistes », lance Alvaro Cardoso, 55 ans, dans un bureau à Rio.

Fernando Haddad, 55 ans, qui a promis de « lutter contre le fascisme jusqu’au bout », veut « rendre le Brésil heureux de nouveau » comme sous les mandats de Lula dans les années de croissance (2003-2010).

Mais il n’a pas fait l’autocritique du PT, jugé responsable par beaucoup des plaies actuelles du pays, notamment la corruption.

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