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Présidentielle/Cameroun: des villageois privés de vote par crainte d’attaques

"Remballez le matériel, on risque une attaque!": à Lysoka, village de la région du Sud-Ouest anglophone du Cameroun, l'adjudant qui…

« Remballez le matériel, on risque une attaque! »: à Lysoka, village de la région du Sud-Ouest anglophone du Cameroun, l’adjudant qui sécurise l’acheminement du matériel électoral pour la présidentielle de dimanche, décide brutalement de délocaliser le bureau de vote.

Dans cette région du Cameroun où les groupes armés séparatistes sont très actifs, Election Cameroon (Elecam), organe chargé d’organiser la présidentielle de dimanche, a eu du mal à installer des bureaux de vote partout comme cela est prévu par le code électoral.

A Lysoka, petit village situé au bout d’une piste entourée de plantations, le bureau de vote prévu pour le scrutin n’a finalement pas été installé, l’armée et des agents d’Elecam ayant jugé la zone trop « dangereuse ».

Depuis plusieurs semaines, les séparatistes armés ont promis d’empêcher la tenue du scrutin dans les deux régions anglophones du Cameroun, le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, qu’ils proclament indépendantes depuis un an.

Les autorités ont ont pourtant répété à l’envi que l’élection se tiendrait bien « dans les 360 arrondissements du Cameroun ».

« On va installer ce bureau à Muea », quartier périphérique de Buea, ordonne l’adjudant de l’armée, après s’être concerté au téléphone avec son supérieur.

Peu avant l’instruction de quitter les lieux, plusieurs soldats s’étaient déployés derrière des habitations en construction, après une alerte sur la présence d’un « suspect ».

– « Ca peut crépiter » –

« La zone est dangereuse, là c’est calme, mais ça peut crépiter à tout moment », affirme un gendarme.

« Nous sommes tout près d’Ekona », réputé être l’un des plus grands bastions séparatistes de la région, souligne-t-il.

Deux heures après être arrivé, le convoi repart de Lysoka sans avoir atteint son objectif, malgré trois longues heures de voyage.

Constitué de plusieurs véhicules, il est dirigé par un pick-up blindé de l’armée, équipé d’une mitrailleuse de 14,5.

Derrière se trouve un camion militaire à bord duquel se trouvent des urnes et des bulletins de vote, mais aussi des jeunes recrutés pour gérer les bureaux.

Un autre camion et un autre pick-up pleins de soldats ferment le convoi qui avance lentement par endroit, et s’arrête lorsqu’un véhicule s’embourbe.

Au village de Mwangai, situé à mi-chemin du parcours, une urne est installée devant la maison du chef de cette petite localité, mais aussitôt enlevée.

« Nous n’avons pas prévu de positionner des éléments ici, ce bureau n’existe pas sur la liste », explique un militaire, soulignant qu’un bureau ne peut-être installé sans un minimum de sécurité.

« Notre rôle est d’assurer la protection des hommes et du matériel du début à la fin du processus », explique-t-il, avant que le cortège ne poursuive sa route.

« Il y a trop de confusion. Nous sommes à la disposition d’Elecam depuis deux mois, mais elle aurait pu mieux organiser cette opération d’acheminement du matériel électoral », fulmine un autre militaire.

– « Il faut un changement » –

En raison des menaces des séparatistes, Elecam a pris l’option d’acheminer le matériel dans les bureaux de vote, uniquement le jour du scrutin.

A 10H00 (09H00 GMT), deux heures après l’heure officielle du début du vote, le matériel n’était toujours pas parvenu dans certains bureaux.

« L’armée sécurise tous les bureaux », assure néanmoins Guy Roger Ahanda, un fonctionnaire actif dans l’organisation du vote à Buea.

Dans cette capitale de la région du Sud-Ouest anglophone, des coups de feu ont été entendus dans la matinée. Un véhicule du quotidien d’Etat, Cameroon Tribune, a été criblé de balles, selon des sources concordantes.

Dans les rues de la ville, il y avait plus de militaires et policiers que de civils, et très peu d’électeurs dans les centres de vote.

Dans l’un d’eux, il y avait à peine 10 votants à 11H00, trois heures après le début officiel du vote.

« Je suis venue spécialement de Londres pour voter. C’est important pour moi de le faire parce qu’après 36 ans (de règne de Paul Biya), il faut un changement », affirme Samira Edi, avant d’aller accomplir son devoir électoral.

Un imposant déploiement de forces de sécurité était visible à la mi-journée: des militaires à tous les carrefours.

Le gouverneur du Sud-Ouest, Bernard Okalia Bilai, a voté dans la matinée, sous forte escorte.

Beaucoup d’observateurs prédisent un taux d’abstention record dans les deux régions anglophones.

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