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Présidentielle en Afghanistan: l’enjeu de la participation

“Ca va faire une différence”, veut croire Farid Nader en surveillant le travail de la centaine de jeunes employés vérifiant…

“Ca va faire une différence”, veut croire Farid Nader en surveillant le travail de la centaine de jeunes employés vérifiant les lecteurs biométriques censés compter précisément les votants à l’élection présidentielle afghane du 28 septembre prochain.

Dans un faubourg misérable et poussiéreux de la capitale afghane, les petites mains de la Commission électorale indépendante (IEC) s’affairent aux derniers préparatifs techniques du scrutin.

L’enjeu est de taille, même si les conditions de sécurité au jour J joueront elle aussi un rôle vital. Tous les observateurs s’attendent à une flambée de violences des talibans, qui sont déterminés à miner d’emblée la légitimité du futur chef de l’Etat en décourageant un maximum d’électeurs (sur 9,6 millions) de se rendre aux urnes.

Ils ont revendiqué un attentat contre un meeting électoral du président Ashraf Ghani qui a fait au moins 26 morts mardi près de Kaboul.

Dans ce contexte sous haute tension, la question de la participation sera cruciale.

Elle avait été estimée par l’ONU à autour de 32% lors du scrutin de 2009. Aucun chiffre officiel n’a été rendu public pour celui de 2014. A chaque fois l’exercice avait été entaché d’accusations d’irrégularités, l’IEC déplorant en 2014 « des fraudes inquiétantes (…) commises de tous les côtés ».

Une “élection crédible constituera un socle politique important pour l’avenir du pays et confèrera une légitimité et une autorité au président élu”, a souligné la semaine dernière le chef de la mission de l’ONU en Afghanistan, Tadamichi Yamamoto.

Le vainqueur en aura besoin s’il veut se poser en interlocuteur des talibans. Ces derniers ont toujours considéré M. Ghani comme une “marionnette” de Washington, le tenant obstinément à l’écart des pourparlers, -aujourd’hui rompus-, entre les Etats-Unis et les insurgés. S’il est réélu, M. Ghani espère replacer l’exécutif afghan au centre du jeu.

– Arme secrète –

A la tête de l’IEC, Hawa Alam Nooristani assure à l’AFP que ce scrutin n’aura rien à voir avec le précédent “parce que nous avons travaillé sur des règles et des mécanismes pour prévenir la fraude”.

Son arme secrète, un lecteur d’empreinte biométrique, a passé l’épreuve du feu, -avec un succès mitigé-, lors des législatives d’octobre 2018. Mais cette fois, assure-t-elle, toutes les précautions ont été prises pour assurer son bon fonctionnement. Notamment parce que la Commission “travaille directement avec la compagnie allemande qui fabrique les lecteurs », laquelle a aussi formé ses spécialistes.

Les superviseurs des 34 provinces ont été « recrutés au mérite, dans une procédure transparente, avec un examen surveillé par des organisations indépendantes » comme la TEFA (Fondation pour des élections transparentes en Afghanistan), ajoute-t-elle.

« Les gens ont perdu confiance à cause des fraudes sérieuses dans les précédentes élections », a dit à l’AFP Sughra Saadat, porte-parole de la TEFA. « Et jusqu’ici les organisateurs de l’élection ne sont pas parvenus à la rétablir ».

Encore faudra-t-il assurer la sécurité des opérations, a-t-elle ajouté. Près de 500 bureaux de vote ont été exclus parce qu’elle ne peut y être garantie, ce qui en laisse 4.942 au dernier décompte. Qui mobiliseront pas moins de 72.000 membres des forces de sécurité, selon le ministère de l’Intérieur.

– Encre indélébile –

L’immense complexe de l’IEC est lui-même gardé comme une forteresse, avec pas moins de quatre checkpoints pour y accéder.

Un alignement de hangars en métal gris abrite toutes les opérations techniques. Derrière un grillage s’entassent des piles de chaises en plastique neuves destinées aux bureaux de vote les plus démunis.

Sous un soleil de plomb des ouvriers déchargent d’un camion de longs paquets de toile. “Ce sont des tentes qui serviront pour les endroits sans locaux adaptés au vote”, dit Hizatullah Akhman, chargé du « contrôle qualité » des opérations.

En attendant le jour J, sous un grand hangar bruissant de voix, une centaine de jeunes s’affairent à activer et tester les lecteurs biométriques censés empêcher une même personne de voter plus d’une fois, puis les empilent dans de grandes caisses de plastique bleu.

“Nous en envoyons dans les provinces depuis un mois. Les superviseurs des districts sont venus se former à leur utilisation pendant une semaine”, explique Farid Nader, 26 ans. Chômeur, il supervise le travail de quelques 300 employés, souvent des jeunes diplômés comme lui, depuis un mois et demi.

Dans le hangar suivant, une centaine d’hommes remplissent les mêmes caisses de bulletins de vote sous emballage scellé, de registres d’électeurs et d’une panoplie de matériels censés garantir l’intégrité du scrutin.

Outre les lecteurs biométriques on trouve des marqueurs « invisibles » accompagnés d’une petite torche révélant la marque qui sera faite sur la carte des électeurs. Sans oublier la traditionnelle bouteille d’encre indélébile où chaque votant trempera l’index. On n’est jamais assez prudent.