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Présidentielle en Tunisie: fin de campagne débridée après la libération de Karoui

La campagne pour le second tour de la présidentielle a repris jeudi en Tunisie, au lendemain du coup de théâtre…

La campagne pour le second tour de la présidentielle a repris jeudi en Tunisie, au lendemain du coup de théâtre de la libération du candidat emprisonné Nabil Karoui, qui dispose désormais de deux jours pour en découdre avec son rival Kais Saied.

M. Karoui, un homme d’affaires controversé poursuivi pour blanchiment et fraude fiscale, est sorti en soirée de la prison de la Mornaguia, près de Tunis, où il était en détention depuis fin août, à la faveur d’un recours devant la cour de cassation.

Ce fondateur de la chaîne Nessma TV, qui reste inculpé, a été célébré par 200 de ses partisans avec youyous et fumigènes, avant de rentrer chez lui dans une luxueuse berline noire, protégé par la garde présidentielle.

Du fait de son incarcération, son rival, l’universitaire M. Saied, un indépendant qui prône une nouvelle révolution par le droit, avait lui décidé de se mettre en retrait ces derniers jours, rendant la campagne atone.

Les observateurs européens avaient eux-mêmes déploré une « campagne du silence », dans laquelle « l’un ne peut pas faire campagne et l’autre ne veut pas ».

Elle a en outre été entrecoupée par un scrutin législatif, le 6 octobre, qui a encore brouillé le paysage politique, avec un nouveau Parlement dominé par le parti d’inspiration islamiste Ennahdha mais écartelé entre de multiples formations.

– Débat télévisé inédit –

Dans ces conditions, les deux derniers jours de campagne s’annoncent vitaux, et chargés, avec comme point d’orgue un débat télévisé qui opposera vendredi soir le flamboyant magnat des médias à l’austère enseignant de droit, un rendez-vous inédit en Tunisie et rare dans le monde arabe.

Ce face-à-face aura un format « plus interactif » que les soirées électorales très suivies qui avaient opposé 24 candidats du premier tour mi-septembre, a indiqué l’un des organisateurs. Ces soirées avaient été diffusées par la plupart des chaînes tunisiennes et des chaînes arabes.

D’ici là, Nabil Karoui est attendu jeudi soir sur la chaîne nationale Wataniya pour donner une longue interview, comme l’avait fait M. Saied la semaine précédente.

M. Karoui s’est rendu jeudi matin au QG de son parti Qalb Tounes, en costume cravate, prêt à reprendre le flambeau de sa campagne menée en son absence par son épouse, Salwa Smaoui.

« Je suis très contente et fière que Nabil soit libéré, (…) je lui cède la main », a dit Mme Smaoui devant ce QG jeudi matin.

Dans une vidéo partagée par l’un de ses partisans mercredi soir, le publicitaire, après avoir salué les efforts du personnel pénitentiaire rencontré pendant sa détention, avait lancé en riant: « mon angoisse, c’est comment je vais faire mieux que Salwa. »

– « Egalité des chances » –

Poursuivi pour fraude et blanchiment depuis 2017, M. Karoui a été interpellé à un péage d’autoroute le 23 août, dix jours avant le début de la campagne pour le premier tour. Nombre d’observateurs, y compris parmi ses adversaires, ont déploré une instrumentalisation de la justice par le politique dans ce dossier.

Face à lui, Kais Saied, dépourvu de structure partisane mais arrivé en tête du premier tour après une campagne de terrain discrète mais intense, devait aussi reprendre ses visites, avec un déplacement jeudi à Sousse (est), selon des partisans.

« Kais Saied avait pris la décision de stopper sa campagne électorale pour des considérations d’égalité des chances », a dit son frère Naoufel à une chaîne tunisienne. « Maintenant que cet obstacle est levé, il s’apprête à reprendre sa campagne », a-t-il ajouté.

Les sept millions d’électeurs se rendent aux urnes dimanche pour la troisième fois en un mois.

Les multiples rebondissement de la présidentielle relèguent au second plan les législatives, un scrutin pourtant crucial pour la jeune démocratie tunisienne, où la transition née de la révolution de 2011 est fragilisée par un chômage et une inflation persistants.

Selon les résultats publiés mercredi par l’instance électorale (Isie), le parti d’inspiration islamiste Ennahdha est arrivé en tête avec 52 sièges, très loin de la majorité de 109 voix pour former seul un gouvernement.

Les tractations avaient débuté avant même cette proclamation officielle, avec des interrogations sur une éventuelle alliance entre Ennahdha et Qalb Tounes –scénario que les deux camps ont pourtant exclu durant la campagne–, ou un éventuel gouvernement de technocrates.

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