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Présidentielle en Tunisie: Kais Saied, la revolution austère

Enseignant de droit devenu commentateur politique, et désormais en lice pour être président de la République tunisienne: Kais Saied, quasi…

Enseignant de droit devenu commentateur politique, et désormais en lice pour être président de la République tunisienne: Kais Saied, quasi inclassable sur l’échiquier politique, est avant tout un idéologue, réputé inflexible sur ses principes.

Né le 22 février 1958 dans une famille de la classe moyenne de Tunis, fils d’un fonctionnaire, Kais Saïed est un spécialiste du droit constitutionnel, qui a pris sa retraite il y a un an de l’université publique.

Diplômé à 28 ans à l’académie internationale de Droit constitutionnel de Tunis, il a été enseignant assistant à Sousse, où il a brièvement dirigé un département de droit public, avant d’enseigner, depuis 1999 et jusqu’en 2018, à la Faculté des sciences juridiques et politique de Tunis.

Certains de ses partisans le nomment toujours respectueusement « professeur », même si l’homme n’a que peu publié d’ouvrages et n’a pas de doctorat.

Père de deux filles et un garçon, il est marié à une juge, qui n’est apparue à ses côtés qu’aux derniers jours de la campagne.

Surnommé « Robocop » en raison de sa diction rigide et de son visage impassible, plusieurs étudiants ont décrit un enseignant dévoué, attentionné derrière son apparente rigidité.

« Il pouvait passer des heures en dehors des cours à expliquer tel point ou à faire comprendre la note d’un examen », témoigne sur twitter l’un d’eux.

C’était un « professeur sérieux, parfois théâtral, mais toujours disponible et à l’écoute », abonde un journaliste ayant suivi ses cours entre septembre 2011 et juin 2012, Nessim Ben Gharbia.

Il connaissait aussi les employés subalternes de son université par leur prénom, prenant des nouvelles d’un parent malade ou d’un enfant, se souvient un journaliste de l’AFP qui l’a interviewé.

Dans son noyau de supporteurs se trouvent de nombreux anciens étudiants. Mais aussi des idéalistes, rencontrés en 2011 au sit-in de Kasbah 1, mouvement spontané de jeunes et de militants déterminés à réorienter la transition démocratique qui s’amorçait après le départ de Zine el Abidine Ben Ali.

Mais le grand public connaît surtout Kais Saied pour l’avoir entendu commenter savamment sur les plateaux des principales chaînes de télévision les premiers pas de la démocratie tunisienne, durant la rédaction de la Constitution adoptée en 2014.

Les débats ont fleuri ces dernières semaines pour mieux cerner les convictions de ce personnage austère, jusque-là mal connues même des commentateurs politiques.

Accusé d’être intégriste ou gauchiste, il est décrit comme inflexible sur les principes.

– « M. Propre » –

De nombreuses vidéos sont ressorties depuis sa qualification au second tour, montrant un homme d’une placidité à toute épreuve, portant depuis 2011 la même vision d’une décentralisation radicale du pouvoir.

Dans un arabe littéraire châtié, parfois ampoulé, il prône l’élection de conseils locaux, désignant des représentants révocables en cours de mandat, « afin que la volonté du peuple parvienne jusqu’au pouvoir central et mette fin à la corruption ».

Ce néophyte en politique a percé dans les sondages au printemps, porté par un ras-le-bol de la classe politique.

Considéré comme irréprochablement « propre », il habite un quartier de la classe moyenne, et son QG est installé dans un appartement décrépit du centre-ville, où l’on fume assis sur des chaises en plastique hors d’âge.

Ses positions conservatrices sur le plan sociétal, qu’il est loin d’être le seul à avoir dans la classe politique, lui ont valu des accusations d’intégrisme.

Mais son discours politique n’est pas appuyé sur des références religieuses.

« Il est effectivement ultra-conservateur, mais il n’est pas islamiste, et il ne fait pas de ses convictions personnelles des questions prioritaires », expliquait récemment un ancien professeur de M. Saied, le constitutionnaliste Iyadh Ben Achour, au journal français La Croix.

Peu après le premier tour, il s’est voulu rassurant.

« Nous ne ferons pas marche arrière sur nos acquis en matière de libertés, en matière des droits des femmes », a dit le candidat, qui reste toutefois opposé aux principales avancées en discussion, dont l’égalite entre hommes et femmes en matière d’héritage.

S’il est élu, son premier défi sera d’élargir le cercle restreint de ses collaborateurs, actuellement composé d’une poignée de partisans passionnés mais sans expérience du pouvoir, revendiquant une organisation horizontale.

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