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Présidentielle Sénégalaise: Les foules dans les meetings, une « réalité » insaisissable dans les urnes

La présente campagne présidentielle du Sénégal enregistre de fortes mobilisations de personnes dans les caravanes et meetings des cinq candidats…

La présente campagne présidentielle du Sénégal enregistre de fortes mobilisations de personnes dans les caravanes et meetings des cinq candidats : une réalité qui satisfait en amont ces derniers, même si l’équation réside pour eux dans la transformation de ces foules en électorat le jour du scrutin, dont le premier tour est prévu le 24 février prochain.Ce samedi 16 février, le candidat Macky Sall va clôturer le 14e jour de campagne par un meeting dans sa ville natale, Fatick, où le responsable local Sory Kaba, par ailleurs directeur des Sénégalais de l’extérieur, promet de mobiliser dans le stade régional « plus de 25.000 personnes » pour répondre au défi lancé par le chef d’Etat sortant au vu des précédentes manifestations dans lesquelles assistait à chaque fois un monde fou. Une foule composée de personnes de tous les âges et majoritairement habillée aux couleurs marron-beige de la coalition au pouvoir sortant, Benno Bokk Yaakaar (BBY, ensemble pour un même espoir).

Hier vendredi à Diourbel, il a paru extasié après avoir vu dans les tribunes et les alentours du stade Ely Manel Fall une énorme foule. « Diourbel a remporté la palme de la mobilisation », s’est-il écrié, visiblement content de l’accueil populaire qu’il a eu dans cette région du centre du Sénégal.

La même mobilisation est vue lors des premiers jours de campagne dans son bastion électoral du Fouta dans le nord du pays par exemple, Macky Sall a déclaré en Pular (langue locale) : « Haala gassi ! kartal ko gotal »,  à savoir qu’il n’y a plus de débat entre ses adversaires et que les bulletins de vote lui seront largement favorables dès le premier tour.

 

La foule est-elle une assurance de voix?

C’est la même impression que donne également le candidat Madické Niang qui, au vu des foules dans ses meetings, lance son « fii todj na ! » plein d’humour pour se convaincre de sa force montante et de sa popularité.

Mais remporter le pari de la mobilisation assure-t-il au candidat à une élection d’avoir gagné la confiance des personnes venues à sa manifestation ? Ce n’est pas toujours le cas même si « on ne peut pas dire que (cette foule) est un mirage », explique Maurice Soudjeck Dione, analyste politique et professeur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis (nord).

« C’est une réalité, mais je pense qu’il faut analyser cela avec beaucoup de recul. Parce que d’abord il y en a qui sont là, parce que juste c’est des curieux, qui sont attirés par l’ambiance. D’autres sont là parce qu’ils ont été mobilisés dans des cars, qui sont venus avec des t-shirts, avec de la nourriture, avec de l’argent. Donc tout cela montre qu’il faut relativiser le phénomène de foule », a soutenu le Pr Dione, précisant ainsi que « la capacité qu’il va y avoir pour transformer cette mobilisation en suffrages exprimés réellement, le jour du scrutin, est une autre paire de manches ».

En effet, la majeure partie des votants, la « majorité silencieuse », ne sont pas ceux qui viennent dans ces manifestations, note cet analyste politique.

Ainsi ces foules sont « un indicateur qu’il faut manipuler avec beaucoup de prudence, beaucoup de pincettes. Parce que les gens qui vont sur place, on ne sait pas quelle sera leur comportement politique. On ne sait même pas s’ils sont inscrits ou s’ils ont leurs cartes ».

 

Le vote, un choix politique et électoral décidé par l’électeur

C’est également le même constat que fait le sociologue Ibrahima Diop, diplômé de l’UGB. Pour lui, la question du vote est « différente » de celle de la mobilisation à l’occasion des meetings et rendez-vous de ce genre.

« Le vote, c’est un choix électoral et politique décidé par un acteur et qui peut obéir aussi à d’autres facteurs qui sont autres que la mobilisation », clarifie-t-il, notant toutefois que l’idée de foule a d’abord une « consonance révolutionnaire », de « masses ». Et le phénomène démocratique contribue à développer ce « premier instrument de mesure » de la force des postulants aux suffrages des électeurs.

Toujours « prudent » par rapport à l’appréciation des foules, Maurice Soudjeck Dione cite en exemple les foules immenses qui suivaient l’ex-président Abdoulaye Wade, en 2012. « Le meeting qu’il a organisé sur la VDN, en fin de campagne, c’était un meeting où il y avait une foule immense et bigarrée. On a vu qu’il a finalement perdu », a-t-il rappelé.

Mais même si ce dernier a perdu la présidentielle il y a sept ans face à son ex-protégé Macky Sall, il continue toutefois de jouir d’une popularité auprès de beaucoup de ses concitoyens, que certains nomment parfois ses « fanatiques ».

De retour en ce moment au Sénégal après un long séjour en France, Wade a été accueilli à sa descente à l’aéroport de Diass, il y a plus d’une semaine, par une foultitude de sympathisants… quelques instants seulement avant de commencer les déclarations incendiaires.

 

Wade défait malgré ses grandes mobilisations

En France, il a fait des pieds et des mains pour faire participer en vain son fils Karim à la présidentielle de 2019. Et aujourd’hui, il s’est dit décidé de perturber ce scrutin, accusant en effet son successeur de tentative de fraude, là où les quatre candidats de l’opposition attendent jusqu’à présence de sa part l’annonce d’une consigne de vote en leur faveur. Ce qui changerait « complètement l’issue de l’élection », d’après le Pr Dione.

« Mais malheureusement, Me Wade est en train d’être dans une optique assez ambiguë où il en appelle à perturber l’organisation des élections. Ce qu’il faut fermement condamner, vu son âge, vu les hautes fonctions de président de la  République qu’il a eu à exercer et vu son expérience politique », a soutenu l’analyste politique.

Par ailleurs, on a tendance à parler de son électorat personnel. Et en cela, « Me Wade devient un dispositif décisif, essentiel dans l’issue de l’élection. Mais pourvu qu’il entre dans le jeu et qu’il n’appelle pas à la violence… Ce qui est une stratégie complètement contre-productive et qu’il faut condamner », a-t-il indiqué.

 

 

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