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Présidentielle sénégalaise : Macky Sall à l’épreuve du second mandat

Le président sortant Macky Sall (57 ans), briguant un second mandat après son septennat, n'a d'yeux que pour la victoire…

Le président sortant Macky Sall (57 ans), briguant un second mandat après son septennat, n’a d’yeux que pour la victoire dès le premier tour du scrutin, mais ses quatre adversaires dont Idrissa Seck (Coalition Idy 2019) et Ousmane Sonko (Coalition Sonko président), considérés par certains observateurs comme ses plus redoutables challengers, feront tout pour lui compliquer la tâche.Macky Sall, élu président du Sénégal le 25 mars 2012 avec 65,8% des suffrages exprimés lors du second tour qui l’avait opposé à son ancien mentor, Abdoulaye Wade, n’a aucun doute sur son large succès au soir du 24 février 2019. D’ailleurs, lors de son meeting à Saint-Louis (nord), le candidat de la Coalition Benno Bokk Yakaar a déclaré qu’il n’est pas « l’égal » de ses concurrents, avant de promettre qu’il va « les battre à plate couture ».

Le ton est donné. La gagne, rien que la gagne. Tel est le chant de campagne qu’entonnent les inconditionnels de Macky Sall et pour séduire l’électorat encore indécis, le bilan jugé positif du Plan Sénégal Emergent (PSE), le principal référentiel des politiques publiques, est fièrement brandi.

Le PSE, arme de persuasion massive ?

Pour les partisans de Macky Sall, la pléthore de réalisations dans le cadre du PSE a déjà ouvert, à leur leader, une voie toute tracée vers le palais. En tout cas, les soutiens du candidat quinquagénaire ont l’intime conviction que la campagne électorale n’est qu’une simple « formalité » pour se maintenir au pouvoir pendant cinq ans.

« Macky Sall a sans doute des chances d’être réélu pour un second mandat parce que les Sénégalais n’ont pas pour tradition d’éconduire un président de la République après le premier mandat. Pour preuve, tous ses prédécesseurs ont eu à faire au moins deux mandats à la tête du pays », a soutenu l’analyste politique Momar Diongue.

A l’actif du natif de Fatick (centre), ville dont il a été le maire jusqu’à son élection comme président de la République, on peut citer la création du pôle urbain de Diamniadio (30 km de Dakar) avec son lot d’infrastructures dont deux sphères ministérielles, l’achèvement des travaux de l’aéroport international Blaise Diagne de Diass, le Train express régional (Ter), le Programme d’urgence de développement communautaire (PUDC), le Programme de modernisation des villes (Promovilles), l’autoroute Ila Touba et le pont de Farafenny, trait d’union entre le Sénégal et la Gambie. Une vieille doléance de la population des deux pays limitrophes que n’ont pu satisfaire ses prédécesseurs Abdou Diouf et Abdoulaye Wade.

De plus, d’après la Banque Mondiale (BM), le nouveau plan de développement national du Sénégal, le PSE en l’occurrence, « a dopé l’investissement public et stimulé l’activité du secteur privé ». En 2012, année à laquelle Macky Sall a accédé à la magistrature suprême, le taux de croissance du Sénégal s’établissait à 3,4 %. Depuis, cet indicateur a connu une hausse graduelle due en grande partie à la politique macroéconomique des tenants du pouvoir. En effet, le taux de croissance du Sénégal est passé à 3,5 % en 2013, 4, 3 % en 2014, 6,4 % en 2015, 6,2 % en 2016 et 7,2 % en 2017.

Reconnaissant que « le bilan de Macky Sall présente un certain nombre d’infrastructures », deux questions taraudent néanmoins l’esprit de M. Diongue : est-ce que celles-ci (infrastructures) ont un impact réel sur la vie de la population ? Sont-elles opportunes ?

De l’avis du consultant de la Sen TV (privée), « l’exemple le plus marquant est Train express régional (Ter) et chaque électeur mesurera l’impact de ses réalisations sur son vécu quotidien » avant de décider d’accorder son suffrage à Macky Sall ou non.

Un politique aguerri face à des concurrents de taille

Ingénieur géologue de formation, Macky Sall a fait ses armes au Parti démocratique sénégalais (PDS). Une formation politique qu’il a rejointe à la fin des années 80. Il a d’ailleurs participé à la première alternance du Sénégal survenue le 19 mars 2000 et consacrant son mentor Abdoulaye Wade, le bourreau d’Abdou Diouf.

Le pape du Sopi (changement en langue wolof) lui a ainsi confié de hautes fonctions durant son magistère : directeur général de la Société des pétroles du Sénégal (Petrosen), ministre des Mines, de l’Energie et de l’Hydraulique, ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, Premier ministre puis président de l’Assemblée nationale. Autant dire qu’il connaît parfaitement les rouages de l’appareil étatique sénégalais.

Mais cette expérience de la compétition électorale sera-t-elle déterminante ? Rien n’est moins sûr pour Momar Diongue, étant donné que « tous les adversaires de Macky Sall sont dangereux ». Toutefois, l’analyste politique a fait remarquer qu’Idrissa Seck et Ousmane Sonko sont les deux prétendants qui sortent du lot.

« Idrissa Seck a été, à deux reprises, candidat à la présidentielle (2007 et 2012). Il peut se prévaloir d’une certaine expérience en la matière. Il s’y ajoute que depuis un certain temps, des membres de l’opposition, qui n’envisagent pas un rapprochement avec le camp du pouvoir, se sont joint à lui », a-t-il expliqué.

En outre, M. Diongue a fait noter que « l’autre danger, c’est Ousmane Sonko à cause du discours antisystème qu’il incarne. C’est quelqu’un qui veut qu’on fasse table rase de la classe politique qui a géré le pays depuis l’indépendance et qui, pour lui, a montré ses limites. Ce discours trouve une oreille attentive auprès d’un certain nombre de Sénégalais qui en ont assez des politiques, du système de clientélisme et des pratiques comme la transhumance ».

La justice, une ombre au tableau

Les détracteurs de Macky Sall l’accusent d’avoir réduit l’opposition à sa plus simple expression durant son magistère. Et ce, par des moyens parfois peu orthodoxes. L’exil de Karim Wade (PDS, opposition) au Qatar et l’emprisonnement de Khalifa Ababacar Sall (Manko Tawaxu Sénégal, opposition) dans le cadre de l’affaire dite de la Caisse d’avance de la mairie de Dakar sont, pour beaucoup, le signe que la justice sénégalaise est au solde de l’exécutif. Une accusation que bat en brèche le camp du parti au pouvoir.

Selon Momar Diongue, ces affaires politico-judiciaires peuvent porter un coup fatal aux ambitions du président sortant. « Dakar ne sourit pas souvent au parti au pouvoir. C’était valable par le passé et ça l’est davantage aujourd’hui car le maire de la capitale en prison, est empêché de participer à cette élection. Je crois qu’il y a de ce point de vue un mécontentement de certains habitants de cette ville », a-t-il soutenu.

Dakar, Thiès et Diourbel constituent l’axe où se jouera probablement l’issue du scrutin. A elles seules, ces trois régions polarisent exactement 47,54 % de l’électorat national, soit 1 687 826 électeurs pour Dakar, 901 216 pour Thiès et 589 015 pour Diourbel.

Poursuivant, le politiste a rappelé que Thiès « est le fief d’Idrissa Seck qui semble retrouver une dynamique positive avec une large coalition autour de sa candidature », avant de renseigner que « Diourbel a toujours échappé au contrôle de Macky Sall depuis son arrivée au pouvoir ».

Tout compte fait, Momar Diongue voit « se dessiner le même scénario qu’en 2012 », c’est-à-dire un second tour. Et dans ce cas de figure, Macky Sall risque, selon lui, de voir les autres composantes de l’opposition soutenir son challenger. En cas de déconvenue, ce serait alors la première fois, dans l’histoire politique du Sénégal indépendant, qu’un président sortant cède son fauteuil après seulement un mandat.

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