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Présidentielle tunisienne: l’affaire Karoui, un casse-tête juridique (magistrat)

Et s'il passait le premier tour ? La situation inédite du candidat emprisonné Nabil Karoui soulève nombre d'interrogations juridiques, explique…

Et s’il passait le premier tour ? La situation inédite du candidat emprisonné Nabil Karoui soulève nombre d’interrogations juridiques, explique le procureur général adjoint de la Cour d’Appel de Tunis, Ibrahim Bouslah, qui défend les magistrats n’ayant fait qu' »appliquer » les textes dans cette affaire empoisonnée.

Q – L’homme d’affaires Nabil Karoui est en détention provisoire depuis le 23 août pour blanchiment d’argent. Un recours contre son arrestation doit être examiné vendredi. Que se passe-t-il s’il franchit le premier tour de la présidentielle: dimanche ?

R – En Tunisie, c’est notre première affaire de ce type. Je dois dire que nous sommes dans le vide. S’il gagne, on est dans une impasse juridique.

Qu’il soit toujours en prison ou qu’il ait été libéré, les problèmes demeurent: il n’a pas été jugé et l’affaire n’est pas close. En outre, au cas où il irait jusqu’à la présidence, il ne pourrait pas bénéficier d’une immunité présidentielle puisque celle-ci n’est pas rétroactive.

Je ne sais pas quoi imaginer, je ne peux faire que des hypothèses d’école. Je prévois que les magistrats vont être sous pression..!

Q – De nombreuses voix -au-delà de l’entourage de M. Karoui- se sont élevées pour dénoncer dans cette affaire une instrumentalisation de la justice par le politique. Que répondez-vous ?

R – Nous appliquons la loi. La chambre d’accusation (qui a ordonné le mandat de dépôt à l’encontre de Karoui), a agi en se fondant sur un article précis du code de procédure pénale. Tout comme le refus d’une interview du candidat, sollicitée par la chaîne al-Hiwar, a été motivé en s’appuyant sur une loi portant sur l’organisation des prisons (selon laquelle seul un proche ou une personne autorisée par la justice peut rendre visite à un détenu).

Nous n’agissons pas sous les pressions de l’opinion publique, du politique, ou de Nessma (la chaîne fondée par M. Karoui, qui fait campagne tambour battant pour lui, ndlr.)

J’insiste: il ne s’agit pas de pression, d’atteintes aux droits de l’Homme ou de manquement au principe d’équité. Nous appliquons les lois.

Q – Le timing de l’arrestation, 10 jours avant le début de la campagne, pose quand même question.

R – Le dossier contre Nabil Karoui est solide. Il y a eu une plainte déposée par l’ONG anti-corruption Iwatch en 2016. De nouveaux éléments sont apparus dans l’enquête récemment, et le 8 juillet les frères Karoui ont été inculpés. Le juge d’instruction au pôle financier a décidé le gel de leurs biens et l’interdiction de sortie du territoire. Ils ont fait appel, ce qui est leur droit absolu. Toutes les procédures ont été respectées.

Je répète que la chambre d’accusation a agi en se basant sur un article très précis. Après, on parle de matière pénale, rigide, de dispositions parfois plus que centenaires, sans interprétation possible. Notre arsenal juridique est dépassé.

Mais si l’on veut critiquer l’arrestation de Karoui, il faut critiquer les textes, pas les hommes qui les appliquent.

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