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Raid aérien au Yémen: doutes sur l’enquête saoudienne

L'ONU a demandé une enquête "crédible" après le raid aérien qui a tué 29 enfants au Yémen, mais experts et…

L’ONU a demandé une enquête « crédible » après le raid aérien qui a tué 29 enfants au Yémen, mais experts et ONG doutent que l’Arabie saoudite, qui dirige la coalition impliquée dans l’attaque, soit capable ou désireuse de la mener à bien.

La coalition militaire sous commandement saoudien, soumise à d’intenses pressions internationales, a consenti à ouvrir une enquête le 10 août, au lendemain de la mort dans le bombardement d’un bus scolaire d’au moins 29 enfants dans la ville de Dayhan tenue par la rébellion Houthie.

Pour l’ambassadrice à l’ONU, Karen Pierce, qui préside actuellement le Conseil de sécurité et s’exprime en son nom, cette enquête doit être « crédible et transparente ».

Mais « les enquêtes que l’on mène sur soi-même, sans supervision internationale, posent toujours problème », confie à l’AFP James Dorsey, spécialiste de la région à la S. Rajaratnam School of International Studies de Singapour. « Les résultats en seront contestés et ne pourront être considérés comme crédibles ».

L’avis d’Akshaya Kumar, directrice adjointe de l’ONG Human Rights Watch pour l’ONU, est plus tranché : « la triste vérité est que l’on a donné aux Saoudiens l’opportunité d’enquêter sur eux-mêmes et les résultats sont risibles », a-t-elle déclaré.

Annonçant l’ouverture de ces investigations, la coalition internationale, qui mène depuis 2015 une offensive d’envergure en soutien aux forces gouvernementales contre les rebelles Houthis, a pour l’instant évoqué des « dommages collatéraux subis par un bus de passagers » à l’occasion d’une « opération des forces de la coalition dans la province de Saada ».

Pour Sheila Carapico, professeur à l’université de Richmond (USA), « un raid aérien contre un bus d’écoliers semble être une violation flagrante des lois de la guerre. Mais en l’absence d’enquêteurs professionnels et indépendants, on ne saura sans doute jamais ».

« Malheureusement », confie-t-elle à l’AFP, « l’armée saoudienne va certainement refuser toute enquête indépendante et ses principaux fournisseurs d’armes, la Grande-Bretagne et les États-Unis, ne semblent pas prêts à aller dans ce sens. Le royaume d’Arabie saoudite, qui n’a aucune expérience dans ce genre d’enquête, se contente presque toujours de publier des démentis ».

– « Très improbable » –

Paris, Londres et Washington, qui soutiennent politiquement et arment la coalition dirigée par Riyad, ont condamné la frappe. « La France soutient l’appel du Secrétaire général de l’ONU à l’ouverture d’une enquête afin de faire la lumière sur les circonstances de ce drame », a écrit le quai d’Orsay.

Mais ni la France, ni le Royaume-Uni ni les États-Unis n’ont exigé l’envoi d’enquêteurs indépendants, contrairement à ce qu’ont demandé, notamment, les Pays-Bas, par la voix de leur ambassadrice-adjointe à l’ONU.

L’enquête devra être « approfondie et transparente », s’est contenté de déclarer Heather Nauert, porte-parole du département d’État américain.

« L’expérience de l’Arabie saoudite en la matière, son manque de transparence et ses pratiques en matière de droits de l’Homme ne donnent pas beaucoup de raisons d’avoir confiance en une enquête qu’elle va mener », regrette James Dorsey. « Et, pour les mêmes raisons, il est très improbable qu’elle accepte une enquête indépendante ».

Depuis le lancement de l’offensive, essentiellement aérienne, de la coalition contre les rebelles Houthis, les civils yéménites ont payé un lourd tribut, sans que les responsabilités ne puissent être clairement établies.

Ainsi par exemple en septembre 2015, une salle de mariage a été touchée, faisant 131 morts (la coalition a démenti être impliquée), en octobre 2016 le bombardement d’une cérémonie funéraire à Sanaa a causé la mort de 140 personnes.

La coalition, accusée de multiples bavures, a admis sa responsabilité dans certains raids, mais en accusant toujours les Houthis de se servir des civils comme de boucliers humains.

Pendant les guerres en Afghanistan, en Irak ou en Syrie, où la force aérienne a été largement employée, de nombreux civils ont été victimes de bombardements. Les enquêtes menées par les belligérants ont parfois admis des « dommages collatéraux ». La venue d’enquêteurs indépendants a été exceptionnelle.

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