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RD Congo: entre massacres et Ebola, Beni n’a pas la tête aux élections

"J'ai manifesté après la mort de mon frère" : la colère monte à Beni, site d'un des conflits les plus…

« J’ai manifesté après la mort de mon frère » : la colère monte à Beni, site d’un des conflits les plus virulents dans l’est de la République démocratique du Congo à l’ouverture de la campagne électorale pour les élections prévues le 23 décembre.

A 1.800 km de Kinshasa et tout près de l’Ouganda, la cité du Nord Kivu vit sous la double menace des tueries attribuées au groupe armé Allied democratic force (ADF) et d’une épidémie d’Ebola qui a fait 217 morts.

Vivant en brousse dans le parc des Virunga, les ADF -« présumés ADF », nuancent des observateurs – multiplient les incursions dans Beni: maisons détruites, assassinats, vols et kidnapping, mini-razzias nocturnes…

Historiquement des rebelles musulmans ougandais, ils ne revendiquent rien et n’affichent aucun leader, même lorsqu’ils infligent des pertes à la force onusienne de la Mission des Nations unies au Congo (Monusco) ou à l’armée régulière congolaise.

Ce silence nourrit toutes les rumeurs et toutes les peurs.

« L’insécurité touche toutes les couches de la population. Si vous allez voir, les gens sont partis. Les boutiques, les centres de santé, les pharmacie ont été pillés. Il n’y a plus d’activité pour l’instant », affirme Dieme Bumbere, 21 ans, rencontré à Boikene, un quartier à l’entrée nord de Beni, dans la commune de Rwenzori qui a senti le vent du boulet vendredi soir.

Des combats à l’arme lourde ont récemment opposé les Casques bleus de la Mission des Nations unies (Monusco) à des assaillants non identifiés.

Les incursions des présumés ADF augmentent depuis septembre. Les dégâts sont bien réels. « Ils arrivent, ils tuent les gens, ils incendient les maisons. Après avoir terminé, ils emmènent avec eux les chèvres. Ils kidnappent aussi les enfants », résume une habitante de Boikene, Zawadi Kavugho.

– Plus de 700 morts –

« Pour moi ce n’est pas nouveau, tout a commencé en 2014. J’avais 16-17 ans », souligne Dieme, informaticien au chômage en raison de la crise sécuritaire qui ralentit l’activité économique à Beni.

En quatre ans, plus de 700 civils ont été massacrés dans des tueries attribuées aux ADF, généralement à l’écart de la ville, à Mayangose au nord et à l’est, dans les champs, en brousse, à l’écart de la route qui mène vers l’aéroport de Mavivi.

Ces derniers jours, les Casques bleus ont perdu sept soldats dans une offensive conjointe avec l’armée congolaise contre les ADF. Une douzaine de soldats congolais figurent également parmi les victimes de cette guerre contre un ennemi sans visage.

De guerre lasse, les habitants manifestent contre les autorités pour leur impuissance présumée face aux ADF. « Moi j’y suis allé seulement une seule fois quand mon frère avait été tué. Nous manifestons parce que nous sommes en colère. Moi personnellement je n’ai pas l’habitude de manifester », reprend Dieme.

« Nous avions juste emmené le corps jusqu’à la mairie. Après, nous avions demandé la paix », raconte-t-il. « Nous n’avions pas bloqué la route ».

Fin septembre, d’autres manifestants en colère ont brûlé des bureaux officiels à Rwensori.

Les élections ? L’avenir de Béni ? « Je pense que si le président Kabila quitte le pouvoir la paix pourrait revenir. Après les élections peut-être la paix pourrait revenir », selon le jeune homme.

« Je pense que si les élections se tiennent, celui qui sera élu pourra peut-être nous aider. Les massacres pourront prendre fin et nous retourneront dans nos champs », espère Zawadi.

En attendant, la violence des « mystérieux » ADF complique la riposte anti-Ebola, exactement le scénario du pire que les autorités sanitaires redoutaient quand l’épidémie a été déclarée le 1er août.

– Obus contre OMS –

Vendredi soir, un obus a atterri sans exploser dans le toit d’une maison hébergeant 16 personnels de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) lors des combats à Boikene, d’après l’OMS, qui ignore l’origine du tir.

« Traumatisés », ils ont été évacués vers Goma.

Sur le terrain, les équipes de la riposte se félicitent d’avoir enregistré 110 guérisons et vacciné 32.626 personnes.

Les soldats anti-Ebola (ministère de la Santé, OMS, MSF, Unicef…) rencontrent des résistances sur le front de la dixième épidémie qui frappe le Congo depuis 1976, une des plus graves.

« Les difficultés sont rencontrées surtout dans les villages », affirme Avie Mbusa, 22 ans, un « guéri » d’Ebola enrôlé par l’Unicef dans des actions de sensibilisation.

“Il y a déjà certaines personnes qui ont compris que la maladie existait mais surtout, les villageois, ils ne comprennent jamais. Et lorsqu’on leur dit d’être vacciné, souvent ils nous jettent des pierres, ils nous tapent, voilà, c’est difficile », poursuit le jeune homme.

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