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RDC: derby franco-congolais du foot et des affaires à Lubumbashi

Attention, derby explosif sur le terrain du football, des affaires et de la politique ce dimanche en République démocratique du…

Attention, derby explosif sur le terrain du football, des affaires et de la politique ce dimanche en République démocratique du Congo: à Lubumbashi, le TP Mazembe rencontre l’autre équipe de la ville, le FC Saint-Eloi Lupopo.

Un simple choc du championnat congolais? Pas seulement. C’est la première confrontation par équipe interposée entre les présidents des deux clubs: le charismatique opposant et homme d’affaires congolais Moïse Katumbi (TP Mazembe) et le Français Pascal Beveraggi (Lupopo).

Pour le reste, le Katangais et le Corse se battent depuis 2017 devant la justice en France pour le contrôle d’une société de sous-traitance minière à Lubumbashi. Une affaire à plusieurs dizaines de millions de dollars.

Président depuis 1997 du TP, club multi-titré en Afrique, ex-gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi accuse Pascal Beveraggi d’exploiter illégalement les actifs de sa société MCK, sous un nouveau nom, NB Mining Africa (prospection et logistique minières).

Homme d’affaires en Corse puis en Afrique, à la tête de plusieurs sociétés, Beveraggi se présente à l’AFP « comme le seul opérateur français dans le secteur minier en RDC ».

Vont-ils se serrer la main avant le match? C’est la question à 100 millions de dollars -grosso, modo, le montant de leur différend financier.

En tous cas ce n’est pas gagné. « De qui vous parlez là? Ca coupe là, monsieur… », ironise Pascal Beveraggi, joint par téléphone à Lubumbashi pour une rare interview. Et de tourner en dérision « des gens qui ne représentent rien pour moi, rien ».

« Le derby est un match comme un autre. Concernant Beveraggi, c’est un voleur. C’est dommage pour le club (adverse) d’avoir un voleur à sa tête. Et la justice française l’a condamné d’ailleurs », attaque un proche de Moïse Katumbi joint par messagerie.

– « Voleur », « mensonge » –

Tout commence mi-2015 quand « Moïse » au sommet de sa gloire vend Mining company of Katanga (MCK, 500 engins et camions) pour un montant estimé à 140 millions de dollars. De quoi financer ses ambitions de l’époque (se faire élire président de la République à la place de l’ex-chef de l’Etat Joseph Kabila).

L’acquéreur, le français Necotrans basé à Maurice, fait faillite. En 2017, le tribunal de commerce de Paris désigne un repreneur: Beveraggi, à travers l’une de ses sociétés, Octavia, qui serait basée à Dubaï.

Las! Contraint à l’exil sous Kabila en mai 2016, Katumbi contre-attaque depuis Bruxelles, se plaint de n’avoir touché que 20 millions sur le montant total de la transaction.

En mai 2018, la cour d’appel de Paris annule la décision du tribunal de commerce. Moïse Katumbi estime qu’il peut récupérer son affaire.

Beveraggi déclare s’être « bien sûr » pourvu en cassation en France: « Le mensonge a une jambe courte comme on dit en Corse. Celui qui a une jambe courte ne va pas loin, on finit toujours par le rattraper. Moïse Katumbi comme vous l’appelez n’a rien récupéré ».

A Lubumbashi, le Français a remonté une nouvelle société, NB Mining, et prétend avoir sauvé 2.000 emplois.

L’affaire fait évidemment grand bruit dans la capitale minière de la RDC, où l’on murmure que Beveraggi a pu recevoir le soutien de Kabila au plus fort de la rivalité contre leur ennemi commun, Katumbi.

Depuis, Kabila a quitté le pouvoir début 2019, et Katumbi est rentré d’exil le 20 mai grâce à l’ouverture politique préconisée par le nouveau chef de l’Etat, Félix Tshisekedi.

Hasard des dates ou pas, c’est quelques jours avant le retour triomphal de « Moïse » à Lubumbashi que Beveraggi a pris la présidence du Saint Eloi Lupopo. Avec pour « sponsor officiel » la société NB Mining Africa, la pomme de discorde entre les deux hommes.

« On est venu me solliciter. J’ai répondu favorablement après avoir longuement réfléchi », déclare Beveraggi.

Ses détracteurs affirment au contraire qu’il cherche à faire comme « Moïse », conforter sa popularité à travers le football, voire à se constituer un bouclier de supporteurs dévoués corps et âme à sa cause.

Proche et avocat de Katumbi, l’ancien bâtonnier Jean-Claude Mauyambo accuse des supporteurs de Lupopo d’avoir attaqué sa maison en août après des déclarations publiques contre Beveraggi.

« J’avais dit que l’on devait tout faire pour permettre à Moïse de récupérer ses biens et sa société MCK », poursuit l’avocat.

« Nous allons faire exécuter le jugement (NDR: de la cour d’appel de Paris). Et je pense qu’au moment opportun, Beveraggi sera déguerpi », conclut l’avocat, en utilisant un terme du droit congolais qui désigne l’expulsion des occupants fonciers illégaux. « C’est une question de temps ». Et même de troisième mi-temps?

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