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RDC: les enfants-miliciens rendent les armes avec les adultes

"Pour moi la guerre a pris fin". Du haut de ses douze ans, Mado salue à sa façon le changement…

« Pour moi la guerre a pris fin ». Du haut de ses douze ans, Mado salue à sa façon le changement de régime en République démocratique du Congo: la fillette participe au vaste mouvement de démobilisation des redoutables miliciens Kamuina Nsapu.

Vêtue d’une jupe sale et d’un gilet troué, pied nu, le regard dur, la petite fille est arrivée au siège du gouvernorat de Kananga (capitale du Kasaï-Central) parmi plusieurs dizaines d’adultes qui marchent en colonne.

Les rebelles du Kasaï sont venus déposer leurs vieilles pétoires, leurs machettes et leurs fétiches au pied du gouverneur. Conséquence directe de l’arrivée au pouvoir il y a un mois de l’opposant Félix Tshisekedi, un Luba originaire du Kasaï.

Parmi ces rebelles sortis de la brousse, deux autres enfants dont ce gamin de dix ans, un bandeau rouge type bandana autour du front. Et un grand couteau de chasse dans la main droite.

Le rouge est la couleur de prédilection des Kamuina Nsapu, sorte de secte mystico-politique qui a pris les armes après la mort de leur chef coutumier tué le 12 août 2016 par les forces de sécurité congolaises.

Mado dépose à son tour au pied du gouverneur un fétiche, un bandeau rouge et un petit poignard. Elle affirme avoir été une « Yamama » (fille combattante en langue tshiluba). A l’entendre, la petite fille originaire du territoire de Dibaya a rejoint la milice fortement encouragée par son père.

« Nous étions dix jeunes. Un de nous est mort », relate-t-elle.

« Notre travail était de sauver le pays. Avant d’aller à la guerre, nous tournions autour du foyer initiatique (« tshiota ») pour invoquer nos ancêtres en demandant leur assistance », continue Mado.

Le gouverneur s’approche, la prend par l’épaule. Mado est intimidée. Ces gamins ont vu « des gens mourir », affirme Denis Kambayi, qui accuse les Kamuina Nsapu « d’utiliser des petites filles vierges et de leur donner des fétiches ». « Ils disent qu’elles sont invincibles ».

« Quand on les récupère comme ça, on les envoie avec notre partenaire de l’Unicef pour l’encadrement » dans un centre, ajoute le gouverneur.

– Le prix de la paix au Kasaï –

Direction donc ce centre de transit, qui a vocation à placer les enfants dans des familles. Mado est métamorphosée dans ses habits tout neufs et tout propres, collants et tee-shirt. Quand elle sera grande, elle veut devenir maîtresse d’école. « Je veux étudier ».

« Quand nous échangeons [avec] les enfants, il y a un besoin de scolarité. Mais les familles ne sont pas vraiment capables de payer les frais de scolarité », déplore un des responsables du centre, Jules Losango.

« C’est tout un cercle vicieux: quand un enfant n’est pas scolarisé, lorsqu’il y a un mouvement, il va adhérer les yeux fermés », ajoute M. Losango.

Il suggère à l’État congolais un cercle vertueux: créer des emplois bien rémunérés pour permettre aux familles d’envoyer tous leurs enfants à l’école.

« Nous demandons au gouvernement de récupérer tous les enfants de (la tribu de) Bajilakasanga qui ont combattu dans la milice », prévient Kalheb Bangi, chef de l’une des factions de Kamuina Nsapu.

Si les enfants qui rendent les armes veulent aller à l’école, les adultes réclament eux de l’argent et des postes.

« Quand on dépose les armes, on ne les dépose pas pour rien », résume un ex-milicien, le « général » Guélord Tshimanga.

« Il faut qu’on cherche du travail aux gens. Que les enfants reprennent les études. Ce que nous demandons, c’est une assistance. Nous avons notre cahier de charge qui contient nos desiderata », poursuit-il.

Et ces doléances doivent être entendues par « le chef de l’État pour qui nous combattions », prévient-il. Comme si la paix au Kasaï était à ce prix.

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