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RDC: un an après, le massacre de Yumbi toujours impuni

16 décembre 2018. La République démocratique du Congo bat le compte à rebours des élections. Ebola tue dans l'est. Et…

16 décembre 2018. La République démocratique du Congo bat le compte à rebours des élections. Ebola tue dans l’est. Et le sang coule soudain à Yumbi, petite ville sur le fleuve Congo, jusqu’à présent épargnée par la violence.

Un an plus tard, les survivants des massacres réclament justice. Une sorte de test pour la « paix » en RDC et sa transition démocratique, a estimé une ex-ministre.

L’alerte vient de Brazzaville. Des milliers de réfugiés ont traversé le fleuve en provenance de Yumbi, située à 400 km au nord de Kinshasa.

Une première explication tombe le 18 au soir, de la bouche du gouverneur de la province du Maï Ndombe où se trouve Yumbi, Gentiny Ngobila: au moins 45 personnes ont été massacrées dans des « violences communautaires » les dimanche 16 et lundi 17 décembre.

Le bilan final sera au moins dix fois plus élevé, soit l’un des plus grands carnages dans l’histoire récente de la RDC, qui en a connu beaucoup depuis 25 ans, mais surtout à l’autre bout du pays dans sa partie est (Kivu, Ituri).

Officiellement, deux communautés – la RDC en compte plus de 400 – se sont affrontées, les Batende et les Banunu. Ou plus exactement, les Batende ont réglé leurs comptes avec les Banunu, les accusant d’avoir voulu enterrer un de leur chef coutumier sur leur terre ancestrale.

« Les Batende ont tiré à balles réelles sur nous. Mon mari et mes trois enfants sont morts sur place », témoigne à l’AFP un an après Evine Ekuwa, 35 ans, veuve d’un commerçant.

« Ils ont pillé notre pharmacie, notre dépôt de carburant, notre maison et notre ferme », ajoute-t-elle. « Je connais mes bourreaux. Ils étaient nos clients ».

Prévue le 23 décembre, finalement organisée le 30, l’élection présidentielle est annulée à Yumbi.

L’attaque, qui a visé principalement les Banunu, a été préméditée, rapporte un journaliste de l’AFP qui passe plusieurs jours sur place fin janvier, à la rencontre des survivants et des témoins.

« Les assaillants étaient bien organisés. Clairement il y avait une organisation qui les commandait », lui raconte le colonel Olivier Gasita, dépêché de Kinshasa quelques jours après le massacre,.

« Entre 3.000 et 4.000 hommes ont attaqué la cité de Yumbi », poursuit l’officier, qui parle d' »une attaque en trois colonnes: ça c’est une tactique militaire. Ça se voit qu’il y avait des militaires, déserteurs ou démobilisés, dedans ».

– « Crimes contre l’humanité » –

A Kinshasa, un nouveau président, Félix Tshisekedi, est investi le 24 janvier. Des Congolais célèbrent « la première transition civilisé » dans l’histoire de leur pays, sauf la partie de l’opposition qui conteste les résultats.

A Yumbi, l’ONU estime que le massacre pourrait « constituer des crimes contre l’humanité » et dénonce une violence « facilitée par l’absence de l’État ».

Plusieurs témoins dont l’ex-gouverneur Ngobila sont entendus par la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH), qui avance le bilan de 524 mort.

La CNDH pointe la responsabilité du « gouvernement congolais au travers certains de ses ministères qui étaient censés prévenir ou intervenir » pour empêcher le massacre.

« Je peux vous dire que ce qui s’est produit à Yumbi en décembre 2018 n’est pas un motif de fierté pour mon pays », lance l’ex-ministre congolaise des Droits humains, Marie-Ange Mushobekwa, fin mars devant le Conseil des droits de l’homme des Nations unies.

« Un conflit inter-communautaire, lié essentiellement à la terre, a été instrumentalisé par certains acteurs politico-administratifs locaux », ajoute-t-elle, en décrivant un « cauchemar ».

« Des enfants de moins de dix ans ont été tués parce qu’ils appartenaient simplement à une certaine communauté. Des jeunes garçons ont été non seulement massacrés mais émasculés pour les mêmes raisons. Des femmes enceintes ont été également tuées puis éventrées. Leur bourreau ont même mutilé des fœtus ».

« Les auteurs de ces massacres vont et doivent répondre de leurs actes devant les juridictions congolaises. Nous sommes bien conscient que sans la justice il n’y aura pas une paix durable en RDC », conclut Mme Mushobekwa, en saluant « la première transmission pacifique » en cours.

Un an après, le président Tshisekedi gouverne en coalition avec son prédécesseur Joseph Kabila.

Des suspects ont été interpellés, ont indiqué en début d’année des médias congolais. Aucun procès n’a commencé, ce qui met les survivants en colère. « A Yumbi, en une heure, on a tué plus de 200 personnes. A Bongende, en huit heures, on a tué plus de 400 personnes », témoigne un notable de la communauté banunu, Eddy Etibako.

L’AFP a tenté de joindre, sans réponse de sa part, l’ancien gouverneur de la province du Maï Ngombe, Gentiny Ngobila, élu en début d’année gouverneur de Kinshasa.

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