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Sahra Wagenknecht, la gauche radicale à préférence nationale

Égérie de la gauche radicale, elle a pour modèle la révolutionnaire Rosa Luxembourg, jusqu'à lui ressembler physiquement: Sahra Wagenknecht bouscule…

Égérie de la gauche radicale, elle a pour modèle la révolutionnaire Rosa Luxembourg, jusqu’à lui ressembler physiquement: Sahra Wagenknecht bouscule la gauche allemande en associant socialisme orthodoxe et préférence nationale, thématique jusqu’alors chasse-gardée de la droite.

Contre l’avis de son parti d’origine, Die Linke, elle lance mardi le mouvement « Aufstehen! » (« Debout! ») et ose s’attaquer à un tabou: prôner la limitation de « l’immigration économique » pour récupérer des voix parties à l’extrême droite.

Actuellement coprésidente du groupe parlementaire de Die Linke, cette femme de 49 ans peut dans sa croisade compter sur le soutien indéfectible de son conjoint. Car elle forme avec Oskar Lafontaine, 74 ans, le couple « le plus politique » d’Allemagne.

Cette ancienne gloire sociale-démocrate, qui fut ministre et défia sans succès Helmut Kohl en 1990 pour la chancellerie, avait quitté avec fracas en 2005 le SPD jugé trop libéral. Deux ans plus tard, il cofonda Die Linke (« la Gauche »).

Une trajectoire similaire qu’empruntera en France en 2009 Jean-Luc Mélenchon, son ami.

– Critiques dans son camp –

Mme Wagenknecht « n’est pas une intellectuelle » mais « elle est très intelligente, peut dire beaucoup de choses sur rien et beaucoup de choses sur peu et ce qu’elle dit n’est pas faux. Mais elle n’a pas la capacité d’autocritique », indique à l’AFP le politologue Gero Neugebauer.

Selon lui, M. Lafontaine, en retrait du parti depuis 2010 pour raisons de santé, reste le « leader spirituel » de « Debout! ».

Mme Wagenknecht se soucie peu des critiques venant de son propre camp. Elle n’en est d’ailleurs pas à son coup d’essai: déjà en 2016 après l’attentat à Berlin revendiqué par l’organisation Etat islamique (EI), elle avait dénoncé « l’ouverture incontrôlée des frontières », suscitant des réactions outrées à gauche.

Quelques mois auparavant, lors d’un congrès de son parti, elle avait été entartée par un militant antifasciste. Sa ligne très pro-russe dérange aussi en interne.

– Père disparu –

Car sa manière d’appréhender la politique dérange: omniprésente dans les « talkshows » télévisés, Mme Wagenknecht, longtemps surnommée « la belle Sahra » dans les médias, est jalousée dans son parti, où elle mène des luttes de pouvoir sanglantes.

Depuis toujours, cette femme au caractère bien trempé, qui obtint son doctorat en sciences économiques à force d’obstination à 43 ans, a tracé sa voie de manière solitaire.

Fille d’une artiste allemande, elle n’a que peu connu son père, étudiant iranien: alors qu’elle n’a que trois ans, il est porté disparu lors d’un voyage dans son pays natal. Son sort reste un mystère jusqu’à aujourd’hui et « les chances qu’il soit vivant sont très faibles », dit-elle.

Petite, elle refuse d’aller à la maternelle: « Simplement jouer dans le bac à sable, je trouvais cela ennuyeux (…) J’étais une enfant qui aimait être seule », a-t-elle confié au journal Taz.

D’abord élevée chez ses grands-parents, à Iéna, en ex-RDA, elle rejoindra tardivement sa mère à Berlin-Est.

Friande de Goethe et de Hegel, sur lequel elle écrira sa thèse, elle dévore alors les ouvrages de Marx.

Tache aujourd’hui sur son CV: elle adhère à l’été 1989, quelques mois avant la chute du Mur de Berlin, au parti communiste (SED) qui dirigeait d’une main de fer la RDA communiste.

Une décision plutôt surprenante pour cette jeune femme considérée alors comme trop rebelle par le régime et privée à ce titre de possibilité de faire des études. Sahra Wagenknecht la justifiera en expliquant avoir voulu à l’époque transformer le communisme de l’intérieur.

Elle rejoindra après la disparition de cet Etat totalitaire le parti héritier du SED, le PDS, où elle défend au début une ligne marxiste orthodoxe, puis enfin Die Linke qui lui succèdera au bout du compte.

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