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Sénégal: la question du voile perturbe la rentrée d’une école catholique de Dakar

Une école catholique renommée de Dakar a refusé d'admettre en cours des élèves musulmanes portant le voile, en vertu d'un…

Une école catholique renommée de Dakar a refusé d’admettre en cours des élèves musulmanes portant le voile, en vertu d’un nouveau règlement qui suscite une polémique dans ce pays très majoritairement musulman et réputé pour sa tolérance religieuse.

Ancienne colonie française, le Sénégal, « République laïque, démocratique et sociale », selon la Constitution, compte plus de 90% de musulmans, adhérant pour la plupart à l’islam soufi, qui vivent dans une grande concorde avec le reste de la population, principalement catholique.

Les Sénégalaises sortent généralement en rue tête nue, coiffées d’une perruque à la mode ou d’un foulard aux couleurs éclatantes, assorties à leurs boubous ou robes traditionnelles.

Le hijab, qui ne laisse voir que l’ovale du visage et dont l’usage est courant dans le monde musulman, reste marginal au Sénégal, où il est porté par des Sénégalaises aux pratiques religieuses rigoristes et par des étrangères.

« Nous sommes huit élèves, toutes voilées, à n’avoir pas été admises dans l’école. Nous avons d’abord été regroupées, puis nos parents ont été appelés pour qu’ils viennent nous chercher », a expliqué une élève de terminale sous couvert de l’anonymat.

Elle fréquente depuis quatre ans l’établissement en question, l’Institution Sainte-Jeanne-d’Arc (ISJA), et portait jusqu’alors le voile à l’école. La même démarche s’était déjà produite mardi à l’accueil des élèves du primaire et du collège, a rapporté le père d’une d’élève, Mohamed Rose, alors que quelques policiers en uniforme surveillaient les entrées de l’établissement.

– Uniforme et « tête découverte »-

La direction de l’école avait précisé aux parents il y a plusieurs mois que la « Congrégation des Soeurs de Saint-Joseph de Cluny », dont elle dépend, avait décidé que la « tenue autorisée (…) se composera à partir de la rentrée de septembre 2019 de l’uniforme habituel, avec une tête découverte, aussi bien pour les filles que les garçons ».

Tout en affirmant que l’école, créée en 1939, continue à accueillir des « personnes de toutes origines, cultures et croyances, sans exclusion », le texte demande à tous les élèves « de respecter l’identité de l’école, en partie définie par la tenue ». Il ajoute que ce règlement est « conforme » à ce qui est en vigueur dans les 57 pays où la congrégation est présente.

Situé à deux pas de la cathédrale de Dakar, l’école, l’une des plus réputées du pays, est fréquentée par les enfants de familles aisées. Des religieuses catholiques qui y travaillent portent un voile.

« Nous n’avons renvoyé aucun élève. Nous avons donné aux familles le règlement intérieur dès le mois de mai. Elles ont pu lire ce règlement, le signer et le valider avant les demandes d’inscription », s’est défendue la proviseure de l’ISJA, Ryanna Tall. « Pour les élèves dont nous avons constaté que la tenue n’était pas règlementaire, nous avons demandé aux familles de bien respecter le règlement intérieur qu’elles ont signé ».

Le nombre d’élèves voilées non admises n’a pas été indiqué. L’établissement compte plus de 1.700 élèves, garçons et fille

– Médiation –

La direction « joue avec les mots », a regretté Jamal Abass, dont deux filles n’ont pas été admises. « Elle ne mentionne pas de manière précise l’interdiction du voile, mais dans les faits, c’est ça ».

En mai, s’exprimant déjà à propos de ce règlement, le ministre de l’Education nationale, Mamadou Talla, avait évoqué des « actes discriminatoires d’ordre socio-culturels » et promis de « prendre toutes les dispositions pour mettre un terme à de telles situations ». « Pour le moment, on est dans la médiation, on veut d’abord privilégier cette voie. Dans tous les cas, l’école est pour tous, laïque et républicaine », a déclaré mercredi un responsable du ministère.

« Le Sénégal a toujours été considéré comme une exception en matière de tolérance religieuse. On doit garder cette réputation », a réagi le défenseur des droits de l’homme et personnalité de la société civile sénégalaise, Alioune Tine.

Le gouvernement sénégalais a en novembre 2015 interdit, pour prévenir les risques d’attentats, le port du voile intégral dans l’espace public.

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