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Sept ans après sa démission, Benoît XVI alimente la saga de »deux papes »

Sept ans après sa spectaculaire démission, Benoît XVI -physiquement très affaibli par ses 92 ans mais intellectuellement alerte- ne parvient…

Sept ans après sa spectaculaire démission, Benoît XVI -physiquement très affaibli par ses 92 ans mais intellectuellement alerte- ne parvient pas à rester discrètement dans l’ombre de son successeur argentin François, alimentant malgré lui le fantasme de « deux papes » en compétition.

Le 11 février 2013, au bout de ses forces physiques à 85 ans, l’intellectuel allemand Joseph Ratzinger avait annoncé -en latin- à des cardinaux sidérés qu’il renonçait à être pape, situation inédite depuis sept siècles.

L’insolite cohabitation entre le 265ème pape en retraite et le 266ème, dans le plus petit Etat du monde, s’est déroulée sans couacs durant cinq ans. Mais le pape « émérite » Benoît XVI, théologien érudit, a continué à faire ce qu’il préfère: écrire sur les grandes thématiques de l’Eglise.

Le pape François dévoilera mercredi ses décisions après un synode d’évêques d’Amazonie, qui lui a recommandé en octobre d’ouvrir la prêtrise à des autochtones mariés, exception régionale qui ferait des étincelles dans l’Eglise.

Mais la sortie inopportune à la mi-janvier d’un livre fustigeant les conclusions du synode et défendant mordicus le célibat des prêtres, co-signé par Benoît XVI et le cardinal guinéen ultra-traditionaliste Robert Sarah, a réjoui tous les opposants de François. Et fortement irrité ce dernier, avancent certains observateurs du Vatican.

Le secrétaire particulier du pape émérite, l’archevêque allemand Georg Gänswein, avait finalement expliqué que Benoît XVI avait « envoyé un de ses articles » au cardinal africain « en lui permettant de l’utiliser comme bon lui semblait », sans jamais approuver un projet de livre à quatre mains.

Reste qu’en avril 2019, Benoît XVI avait déjà pris le contre-pied de François sur la question des scandales des abus sexuels du clergé, dans un long texte où il expliquait le phénomène par la révolution sexuelle des années 60.

Sans oublier qu’en 2018, le « ministre » de la communication du Vatican avait démissionné après un fiasco médiatique autour d’une lettre tronquée de Benoît XVI, vantant maladroitement la pensée théologique de François.

Mgr Gänswein, chargé d’organiser les audiences de François, n’a plus été vu à ses côtés depuis la sortie du livre polémique sur le célibat. Le prélat a été visiblement écarté et invité à mieux s’occuper du pape retraité.

– « Sa force n’est plus là » –

Un documentaire de la télévision bavaroise diffusé début janvier dévoile certes un pape émérite très frêle, en chaise roulante, s’exprimant avec un faible filet de voix.

Benoît XVI a renoncé à célébrer lui-même la messe dans son monastère des jardins du Vatican, décoré de photos de famille et de souvenirs bavarois. « J’avais une belle voix, maintenant elle ne marche plus », glisse celui qui ne porte plus de mules rouges mais des sandales de moine. « On voit que sa force n’est plus là », constate l’archevêque Gänswein, qui vit à ses côtés.

Aurait-il insuffisamment protégé un homme diminué? Mal informé François sur ses projets d’écriture?

« Ca suffit de parler de deux souverains pontifes, parce qu’il y a un seul pape, celui qui est investi de l’autorité papale, c’est-à-dire François », a en tout cas taclé le cardinal Pietro Parolin, numéro deux du Vatican, las des divisions dans l’Eglise.

En 2016, le conservateur Mgr Gänswein avait lui-même estimé: « il n’y a pas deux papes, mais de facto un ministère élargi, avec un membre actif et un membre contemplatif ».

Or de tels propos ambigus sont pain bénit pour une frange traditionaliste virulente qui juge François « illégitime » et interprète tous les écrits du théologien allemand comme des critiques contre son successeur.

En 2016, François avait pourtant mis les poins sur les « i ». « C’est un pape émérite et non pas le second pape », avait-il dit, comparant son aîné de dix ans à « un grand-père à la maison ».

Reste que le cinéma s’est aussi emparé de la riche thématique d’une papauté bicéphale. A l’instar du film « Les deux papes » du Brésilien Fernando Meirelles, qui imagine une joute oratoire entre Anthony Hopkins (pape allemand beaucoup plus autoritaire que son timide modèle) et Jonathan Pryce (futur pape argentin gaucho qui veut lui apprendre le tango).

C’est Benoît XVI qui décida d’être pape « émérite » (comme les évêques retraités) et de continuer à porter une soutane blanche dans les murs du Vatican. « Il n’y a qu’un seul pape », a toujours proclamé celui qui n’a toutefois pas choisi d’être un « ex-souverain pontife ». Des sommités de l’Eglise appellent désormais à mieux définir ce nouveau statut, pour le moins flou.

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