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Simples sportifs, mais chiites, cibles de l’EI en Afghanistan

Les tapis de lutte sont tachés de sang, des débris jonchent le sol du gymnase et la colère mêlée à…

Les tapis de lutte sont tachés de sang, des débris jonchent le sol du gymnase et la colère mêlée à une énorme tristesse se répand dans la communauté chiite de Kaboul, une nouvelle fois la cible de l’Etat islamique (EI).

Au lendemain du double attentat meurtrier, le bilan s’élevait jeudi à 26 morts et 91 blessés.

Un premier kamikaze s’est fait exploser à l’entrée du gymnase où s’entraînaient des lutteurs puis une voiture piégée a explosé après l’arrivée des secours et des journalistes. Un caméraman de 23 ans et un reporter de 28 ans figurent parmi les victimes. Quatre autres journalistes ont été blessés.

A l’hôpital Istiqlal de Kaboul, alité, un pansement entourant son abdomen, Ali Seena, 20 ans, raconte ne pas avoir vu le kamikaze entrer dans le gymnase. « Nous en étions à la moitié de notre entraînement quand j’ai entendu des coups de feu, puis le kamikaze s’est fait sauter et des éclats m’ont percé le ventre », raconte le jeune lutteur.

Dans la même salle bondée où les lits sont alignés les uns près des autres, Rohullah, 14 ans, des bandages recouvrant son genou et son pied, raconte « une explosion puis le chaos ».

« Je ne sentais plus mes jambes. Partout autour, des morts et des blessés. Tout le monde avait des morceaux de verre et des éclats plantés dans le corps. Tout le monde criait, tout le monde cherchait ses amis », narre l’adolescent.

Dans le quartier de Dashti-i-Barchi dans l’ouest de la capitale, le sol du gymnase aux murs bleu et orange est maculé de débris de toutes sortes, le long du mur sont encore alignés de nombreux sacs de sports.

« L’agresseur a d’abord tiré sur le garde à l’entrée puis s’est fait sauter », explique à l’AFP Pahlawan Shir, le directeur du gymnase, le Maiwand club, dans lequel « 120 à 150 lutteurs s’entraînent tous les soirs ».

La porte blindée au métal tordu témoigne de l’endroit où la premier kamikaze a fait exploser sa charge.

Puis est survenu le sur-attentat, une charge beaucoup plus forte.

« J’ai vu de mes propres yeux la voiture du deuxième kamikaze, une Toyota Corolla. Je suis rentré dans le gymnase pour transporter les blessés quand la deuxième explosion a eu lieu », témoigne Eid Mohammad Assad, 50 ans, entraîneur du club.

« Lors de la première explosion seules quelques personnes ont été tuées et blessées, mais la voiture piégée a été dévastatrice, la plupart des victimes sont des lutteurs », dit Mehrabuddin, trentenaire formé au Maiwand club. « Ces lâches ont ciblé des sportifs innocents », a-t-il pesté.

« Nous ne sommes pas en sécurité dans les mosquées, les clubs de sports, les écoles, les universités. Nous n’imaginions pas une attaque contre notre club car nous n’appartenons pas à l’armée ni au gouvernement, nous sommes des civils », s’est désolé Eid Mohammad Assad.

– Enterrement en direct –

Jeudi matin, sur les deux chaînes d’information en continu, tournent en boucle les images du gymnase dévasté filmées dès le lever du jour. Sur ToloNews, les portraits souriants de ses deux journalistes tués s’affichent, suivis dès le milieu de la matinée de leurs funérailles en direct.

Sur les réseaux sociaux les messages de sympathie affluent en hommage. « Ils étaient venus pour rapporter des informations, ils sont devenus eux-mêmes l’information », a tweeté Habib Khan Totakhil, correspondant pour le Wall street journal.

« Nous partageons votre douleur et saluons votre résilience et votre force (…). Ces héros tombés au champ d’honneur sont deux autres piliers de votre fière histoire », a tweeté à l’attention de ToloNews le politicien afghan et ancien chef des services secrets Amrullah Saleh.

La communauté chiite Hazara, troisième plus importante d’Afghanistan après les Pachtounes et les Tadjiks, est une cible particulièrement prisée de l’Etat islamique qui la considère comme apostate.

En août, deux attentats suicides la visant, également revendiqués par l’EI, avaient fait chacun plus de 30 morts.

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