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Sipopo, la vitrine dorée et déserte du régime équato-guinéen

"Ici, on n'entend que le bruit de ses pas": à Sipopo, station balnéaire construite en banlieue de Malabo pour accueillir…

« Ici, on n’entend que le bruit de ses pas »: à Sipopo, station balnéaire construite en banlieue de Malabo pour accueillir un sommet de l’Union africaine en 2011, règne un calme absolu. Avec peu de voitures et encore moins de piétons, l’endroit peine à attirer hommes d’affaires et touristes.

« C’est absolument fantastique, je n’avais jamais vu ça dans la région », s’exclame un conseiller d’un ministère d’Afrique centrale venu pour une réunion régionale et tout juste débarqué dans la capitale de la Guinée équatoriale.

Le long des seize km d’autoroute qui relie Malabo à Sipopo, il contemple le paysage, émerveillé. Un à un, des ministères ultra-modernes, des sculptures spectaculaires et des logements sociaux flambant neufs défilent.

Sur la trois-voies, aucune voiture ou presque ne circule.

Pays d’un peu plus d’un million d’habitants devenu le troisième producteur subsaharien de pétrole, la Guinée équatoriale s’est lancée grâce à ses pétro-dollars dans une ambitieuse politique de grands travaux.

C’est dans ce cadre, et pour accueillir le 17e sommet de l’Union africaine, que Sipopo avait été construite ex-nihilo. Avant, il n’y avait que de la forêt; deux ans de travaux et 600 millions d’euros ont suffi à transformer la zone en un écrin doré.

Pour l’occasion, 52 villas pour les présidents -toutes équipées de piscine-, un monumental centre de conférence, un hôtel de luxe avec golf et une gendarmerie sont sortis de terre.

Un projet pharaonique, décrié à l’époque dans un pays où la majorité de la population reste pauvre et où le régime est régulièrement dénoncé par des organisations de défense des droits de l’homme pour l’ampleur de la corruption qui s’y pratique.

– « C’est déprimant » –

Après le sommet, Sipopo sera une « importante destination touristique », avait annoncé à son inauguration le président Teodoro Obiang Nguema, 76 ans, qui dirige le pays d’une main de fer depuis qu’il est arrivé au pouvoir en 1979.

Mais huit ans plus tard, en dépit de la végétation luxuriante, la station balnéaire a des airs de plaine désertique.

« Il n’y a jamais personne », constate un Equato-guinéen. Il explique le peu de touristes par le fait qu' »il est très difficile d’avoir un visa ».

Malabo a récemment annoncé vouloir assouplir les démarches d’obtention de visa et renforcer le secteur touristique, alors que le pays, en crise économique depuis la chute des cours du pétrole en 2014, cherche à diversifier son économie.

L’Organisation mondiale du tourisme ne dispose d’aucun chiffres sur le tourisme en Guinée équatoriale et le gouvernement n’a pas répondu aux sollicitations de l’AFP.

Durant le week-end de Pâques, hormis un couple espagnol en lune de miel, quelques familles en vacances et les participants de la réunion régionale d’une banque de développement, les 200 chambres de l’unique hôtel semblent bien vides.

« C’est déprimant, il n’y a personne », lâche un client en voyage d’affaires.

L’hôtel a bien accueilli des équipes de football africaines lors de la Coupe d’Afrique (CAN) qu’organisait Malabo en 2015, ou encore Julio Iglesias, venu pour un concert en 2012.

Mais aujourd’hui, dans le hall vide du palace, seul le regard du président Obiang, dont un immense portrait peint en noir et blanc est accroché au mur, veille sur la réception.

Tout avait pourtant été prévu pour accueillir les touristes: un centre commercial en brique rouge avait été construit en 2014 pour abriter 50 magasins, un bowling, deux salles de cinéma et un espace de jeu pour enfants, selon son site internet.

« Pas encore ouvert », indique un employé de l’hôtel de luxe. « Si vous voulez acheter un souvenir, il faudra aller à Malabo! »

– Femme du président –

Pour se restaurer, un complexe abritant plusieurs restaurants a été aménagé. « Mais il faudrait vérifier qu’ils sont bien ouverts en ce moment », souffle un autre employé, peu sûr de lui.

Un hôpital a aussi été construit, juste après les villas présidentielles – « vides depuis », selon plusieurs personnes interrogées par l’AFP

L’une de ces villas avait accueilli l’ex-président gambien Yahya Jammeh au moment où il avait été contraint de fuir son pays en 2015.

En contre-bas, se trouve « le seul endroit à Sipopo où il y a un peu de monde », une plage publique.

Elle « offre aux couples équato-guinéens la possibilité de se détendre, en toute discrétion », raconte un habitué du coin. Mais « il faut avoir les moyens pour venir ici », tempère un autre.

Il faut débourser « au moins 6.000 francs (9 euros) pour un aller-retour en taxi, plus le péage » de l’autoroute.

La nuit tombe sur Sipopo, et pointe à l’horizon un peu d’animation: une à une, des berlines de luxe et autres voitures rutilantes arrivent dans la cité balnéaire et se garent sur le parking d’un restaurant, de luxe lui aussi.

Le lieu a l’habitude d’accueillir les diners officiels. A Sipopo, il se dit qu’il appartient à la femme du président, Constancia Mangue de Obiang.

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