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Somalie: à Beledweyne, les habitants meurtris par les catastrophes climatiques

Il y en encore quelques semaines, Maka Abdi Ali priait pour que prenne fin la sécheresse qui décimait son maigre…

Il y en encore quelques semaines, Maka Abdi Ali priait pour que prenne fin la sécheresse qui décimait son maigre cheptel. Quand le ciel s’est finalement couvert de nuages, ce fut pour déverser des trombes d’eau toutes aussi dévastatrices.

Les pluies diluviennes qui se sont abattues en octobre dans la région de Beledweyne (centre) ont provoqué des inondations soudaines qui ont détruit son foyer et emporté ses quelques effets personnels.

La rivière Shabelle est sortie de son lit, réduisant à néant les cultures et les rares animaux qui avaient survécu à de long mois sans précipitations.

« Je n’ai plus rien à présent », constate Maka, 67 ans, interrogée par l’AFP dans un camp de déplacés en périphérie de Beledweyne. Dans cette ville du centre de la Somalie située à environ 340 km au nord de Mogadiscio, 180.000 sinistrés ont fui les inondations catastrophiques d’octobre.

Située dans la Corne de l’Afrique, la Somalie est régulièrement confrontée des épisodes climatiques extrêmes: les pluies y sont irrégulières et les sécheresses fréquentes.

En 2011, plus de 12 millions d’habitants de la Corne de l’Afrique avaient été affectés par une grave sécheresse qui entraîna la mort de quelque 260.000 personnes en Somalie entre octobre 2010 et avril 2012.

Cette tragédie était survenue après quatre grandes sécheresses dans la région entre 2000 et 2006, mettant en exergue la fréquence de plus en plus élevée des événements climatiques extrêmes.

L’année 2019 en est une nouvelle illustration: des populations et leur bétail affaiblis par des mois de sécheresse se trouvent, sans transition, confrontées à des pluies diluviennes.

– ‘Rien vu de semblable’ –

« Il ne s’est pas passé un jour cette année sans que nous n’ayons parlé de sécheresse ou d’inondations », résume Abigail Hartley, directrice adjointe du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (Ocha) pour la Somalie.

Parmi les sinistrés de Beledweyne, l’épicentre des dernières inondations, figurent des Somaliens venus se réfugier depuis plusieurs années dans la région pour échapper à la sécheresse et profiter de la rivière pérenne pour cultiver un lopin de terre.

« La sécheresse nous avait forcé à fuir… et à présent, nous sommes déplacés par les inondations », se désole Maryama Osman Abdi.

Le fait que la rivière Shabelle, qui prend sa source en Ethiopie, sorte de son lit n’est pas tout à fait exceptionnel. « Mais cette fois-ci, c’était différent. Je n’ai jamais rien vu de semblable », témoigne Omar Dule du haut de ses 74 ans.

Selon l’Agence des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO), la récente crue de la rivière Shabelle devrait se produire une fois tous les 50 ans.

Mais la rivière a connu un épisode similaire en 2015 et un autre en 2018, poussant la FAO, qui anticipe de nouvelles crues importantes dans les années à venir, à réparer des canaux et des digues longtemps négligés pour en prévenir les effets.

« Les sécheresses et les inondations augmentent, en fréquence et en intensité », constate Linda Ogallo, du Centre de prévision et d’applications climatiques du bloc régional Igad.

Sur le terrain, Mohamed Osman Hashi, qui a vu ses cultures de sésame et pastèques balayées par les eaux, dresse le même tableau, inquiétant: « Ces derniers temps, ça se répète, presque d’une année à l’autre ».

– Ironie de la crise –

L’Afrique de l’Est a connu cette année l’une de ses périodes les plus humides depuis le début des années 1960. Les pluies torrentielles ont provoqué la mort d’au moins 277 personnes dans huit pays de la région depuis octobre, et déplacé des millions d’autres.

Courant décembre, tandis que l’eau refluait à Beledweyne, un cyclone s’est abattu sur la région semi-autonome du Puntland, dans le nord de la Somalie. Le principal port de la région, Bosasso, a reçu l’équivalent d’un an de précipitations en deux jours.

Au même moment à Madrid, la conférence climat de l’ONU adoptait un accord a minima, à défaut de s’entendre, par exemple, sur un mécanisme de compensation des pays affectés par le changement climatique.

« Les pays développés sont plus résilients. La Somalie est en crise depuis des années », explique Chris Print, hydrologue au sein de la FAO et spécialiste des cours d’eaux somaliens.

« L’ironie, c’est que ce sont les pays pauvres qui sont les plus susceptibles d’être affectés par la crise climatique », ajoute-t-il.

La situation est d’autant plus préoccupante en Somalie que le gouvernement fédéral, confronté à l’insurrection des islamistes radicaux shebab depuis 2007, ne contrôle qu’une faible partie de son propre territoire.

Outre les difficultés d’accès à l’aide humanitaire que posent les shebab, présents dans de vastes zones rurales du pays, l’insécurité qu’ils font peser rend quasiment impossible la réalisation de travaux d’infrastructures – notamment d’irrigation – le long de la rivière Shabelle, qui traverse des régions à l’agriculture autrefois florissante.

En outre, selon une récente étude de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI), les victimes des inondations réfugiées dans des camps comme celui de Beledweyne sont ciblées par les shebab pour être recrutées dans leurs rangs.

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