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Soudan: la contestation se poursuivra malgré l’état d’urgence, selon les organisateurs

Les organisateurs du mouvement de contestation au Soudan ont rejeté samedi une série de mesures choc annoncées la veille par…

Les organisateurs du mouvement de contestation au Soudan ont rejeté samedi une série de mesures choc annoncées la veille par le président Omar al-Béchir, assurant qu’elles n’allaient pas empêcher les manifestants de continuer à sortir dans les rues pour réclamer son départ.

Reconnaissant que son pays traversait la situation « la plus difficile de son histoire », M. Béchir a annoncé, dans un discours à la Nation, « la dissolution du gouvernement aux niveaux fédéral et provincial », et décrété l’état d’urgence pour un an.

En plein marasme économique, le Soudan est le théâtre depuis le 19 décembre de manifestations quasi quotidiennes déclenchées par la décision du gouvernement de tripler le prix du pain.

La contestation s’est vite transformée en un mouvement réclamant la chute du président Béchir, qui tient le pays d’une main de fer depuis 1989 et compte briguer un troisième mandat en 2020.

« Le fait d’imposer l’état d’urgence montre la peur au sein du régime », a affirmé dans un communiqué l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC), un groupe créé plus tôt en février regroupant des partis d’opposition et l’Association des professionnels soudanais (APS), fer de lance de la contestation.

« Nous continuerons (…) à descendre dans la rue (…) jusqu’à ce que nos demandes sont entendues », a-t-elle ajouté.

Pour le parti al-Oumma de l’ancien Premier ministre Sadek al-Mahdi, qui fait partie de l’alliance, les dernières mesures ne sont « rien d’autre qu’un (nouveau signe) de l’échec » du régime.

« Rien ne satisfera le peuple qui sort dans les rues hormis la chute de ce régime », a ajouté dans un communiqué cette formation.

– « Continuer les manifestations » –

L’APS, qui regroupe notamment des médecins, enseignants et ingénieurs, avait appelé vendredi après le discours du président à continuer les manifestations jusqu’à la chute du régime.

Peu après dans la soirée, une foule de manifestants sont descendus dans les rues d’Omdourman, la ville voisine de Khartoum, avant d’être rapidement dispersés par la police avec des gaz lacrymogènes, selon des témoins.

Pour International Crisis Group (ICG), la situation pourrait bien empirer avec l’imposition de l’état d’urgence.

« Béchir va concentrer les pouvoirs et cela va ouvrir la voie à une confrontation avec le mouvement de protestation qui pourrait devenir plus violente », craint Murithi Mutiga, de l’ICG.

M. Béchir n’a pas précisé vendredi quand serait formé un nouveau gouvernement pour lequel le pays avait besoin de « gens qualifiés » selon lui.

Cinq ministres du gouvernement sortant, dont ceux des Affaires étrangères, de la Défense et de la Justice, conserveront leur portefeuille, a-t-il dit. Il a en outre nommé à la tête des 18 régions du pays 16 officiers de l’armée et deux responsables de la sécurité.

Les manifestations, qui ont touché la capitale Khartoum et de nombreuses villes du pays, ont été réprimées par le puissant Service national du renseignement et de la sécurité (NISS).

– « Ampleur de la crise » –

Selon un bilan officiel, 31 personnes sont mortes depuis le 19 décembre. L’ONG Human Rights Watch (HRW) évoque le chiffre de 51 morts, dont des enfants et des personnels médicaux.

Le NISS a en outre arrêté depuis décembre des centaines de manifestants, leaders de l’opposition, militants et journalistes, d’après des ONG.

Vendredi encore, le rédacteur en chef du journal indépendant d’Al-Tayar, Osmane Mirghani, a été arrêté, a indiqué à l’AFP son frère Ali Mirghani, qui a dit ne pas savoir où était le journaliste.

Dans une interview accordée à la chaîne de télévision Sky News Arabia, M. Mirghani avait déclaré plus tôt que les mesures annoncées le président n’arriveraient pas à stopper le mouvement de contestation.

Les agents du Service national du renseignement et de la sécurité (NISS) ont également confisqué samedi le tirage d’Al-Tayar, selon Ali Mirghani.

Les médias sont régulièrement dans le collimateur des services de sécurité soudanais, notamment lorsqu’ils publient des articles critiques envers le pouvoir.

Le mouvement de contestation a été largement motivé par la mauvaise situation économique du pays.

Au-delà de la baisse des subventions du pain, le Soudan, amputé des trois quarts de ses réserves de pétrole depuis l’indépendance du Soudan du Sud en 2011, est confronté à une inflation de près de 70% par an et fait face à un grave déficit en devises étrangères.

Les Soudanais doivent composer avec des hausses de prix et des pénuries d’aliments et de carburants.

« Le régime n’a jamais rien compris à l’économie », estime Eric Reeves, spécialiste du Soudan à l’université de Harvard qui pense que la déclaration de l’état d’urgence ne va pas améliorer la situation économique.

Pour M. Mutiga, si les Soudanais, « soutiennent quasi unanimement les revendications des manifestants », c’est en raison notamment de « l’ampleur de la crise économique ».

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