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Soudan: les principales étapes de la crise depuis l’échec des pourparlers

Voici les principales étapes de la crise au Soudan, où la répression de la contestation a fait des dizaines de…

Voici les principales étapes de la crise au Soudan, où la répression de la contestation a fait des dizaines de morts en trois jours.

Née en décembre d’une colère contre le triplement du prix du pain intervenu dans un contexte de crise économique et de mesures d’austérité, la contestation avait pris la forme, depuis le 6 avril, d’un sit-in devant le quartier général de l’armée à Khartoum pour réclamer un changement de régime politique.

Après la destitution du président Omar el-Béchir par l’armée le 11 avril, les milliers de protestataires avaient refusé de lever le camp, réclamant un transfert du pouvoir aux civils, jusqu’à leur brutale dispersion lundi.

– Echec des négociations –

Le 20 mai, après plusieurs avancées, les négociations entre les généraux au pouvoir et les chefs de la contestation s’achèvent brusquement sans accord sur la composition d’un Conseil souverain. Celui-ci devait assurer une transition de trois ans, avant un transfert du pouvoir aux civils. Les discussions achoppent car chaque camp souhaite diriger le Conseil et obtenir la majorité des sièges.

De leur côté, les mouvements islamistes font bloc derrière l’armée, en espérant préserver la charia (loi islamique) en vigueur depuis le coup d’Etat de 1989.

Une grève générale est observée les 28 et 29 mai à travers le pays par le mouvement de contestation, mobilisant divers secteurs d’activité, pour tenter de faire plier le pouvoir militaire.

– Arabie, Emirats et Egypte soutiennent l’armée –

Fin mai, le chef du Conseil militaire de transition, Abdel Fattah al-Burhane, se rend en Arabie saoudite, en Egypte et aux Emirats arabes unis.

Selon les médias soudanais, le général Burhane avait coordonné, alors qu’il était commandant des forces terrestres, l’envoi au Yémen de troupes soudanaises, décidé dans le cadre d’une coalition militaire sous commandement saoudien intervenue en 2015 pour soutenir le gouvernement yéménite face à des rebelles accusés de liens avec l’Iran.

Foncièrement hostiles aux soulèvements populaires dans la région, Ryad, Le Caire et Abou Dhabi souhaitent « maintenir le statu quo autoritaire », souligne le chercheur Karim Bitar, de l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris).

L’Arabie saoudite et les Emirats avaient annoncé en avril une aide conjointe de trois milliards de dollars au Soudan.

« Lors de sa visite dans le Golfe, la situation en Libye et au Yémen a été rappelée au général » Burhane, avec l’idée qu’elle était le « résultat du manque de détermination des dirigeants », affirme Mathieu Guidère, professeur à l’Université de Paris-VIII et spécialiste du monde arabe.

Selon cet expert, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, ancien militaire qui a pris le pouvoir en Egypte en 2013 après une période de troubles et au prix d’une répression implacable, a été présenté comme un modèle.

– Al-Jazeera fermée –

A contrario, le Qatar, allié historique du président déchu Omar el-Béchir et en conflit diplomatique avec l’Arabie saoudite, les Emirats et l’Egypte, semble avoir perdu de son influence depuis le début de la crise.

Le général Burhane « a des liens plus étroits avec Abou Dhabi qu’avec Doha », confirme Andreas Krieg, professeur au King’s College de Londres.

Le 31 mai, le Conseil militaire ferme le bureau à Khartoum de la chaîne d’information qatarie Al-Jazeera, qui diffuse régulièrement des images des manifestations.

– Répression sanglante –

Le 3 juin, l’armée, la police et des milices dispersent dans le sang le sit-in devant le QG de l’armée à Khartoum. Selon le comité central des médecins, proche de la contestation, au moins 60 personnes ont été tuées et des centaines blessées depuis le déclenchement de cette opération.

L’internet mobile est par ailleurs coupé.

Dès le lendemain, le 4, l’armée déclare caducs les accords conclus avec les contestataires et appelle à des élections dans « neuf mois maximum ». Les protestataires dénoncent un « putsch ».

A Khartoum et dans tout le pays, des paramilitaires liés à l’armée -les Forces de soutien rapide (RSF)- sont déployés, se livrant selon des témoins à des exactions, y compris dans les hôpitaux.

Les RSF sont considérées par beaucoup comme un avatar des milices Janjawid, qui dans un passé récent ont commis des atrocités de masse au Darfour (ouest).

– Signaux contradictoires –

Mercredi 5 juin, alors que des coups de feu sont toujours entendus dans Khartoum, les généraux se disent ouverts à des négociations « sans restriction », au lendemain d’appels de la communauté internationale à cesser les violences.

Ryad dit suivre avec « beaucoup d’inquiétude » la situation, et souligne l’importance d’une « reprise du dialogue entre les différentes forces politiques ».

« Nous ne permettrons pas le chaos », prévient de son côté Mohamad Hamdan Daglo dit « Hemeidti », le numéro deux du Conseil militaire et ex chef des Janjawid.

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