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Strache, la chute du « M. Propre » de l’extrême droite autrichienne

En enfilant le costume de vice-chancelier d'Autriche, il voulait faire oublier l'époque où il se livrait à des exercices paramilitaires…

En enfilant le costume de vice-chancelier d’Autriche, il voulait faire oublier l’époque où il se livrait à des exercices paramilitaires avec des néonazis: le leader d’extrême droite Heinz-Christian Strache a été rattrapé par le scandale et contraint à la démission.

Costume-cravate et mine grave: c’est avec les atours de l’homme d’Etat qu’il avait rêvé de devenir que ce technicien dentaire de formation a annoncé samedi son départ du gouvernement, et de la tête du Parti de la liberté d’Autriche (FPÖ) qu’il a dirigé durant 14 ans.

Après des années à tenter de lisser l’image de sa formation, l’une des plus influentes du camp nationaliste européen, Heinz-Christian Strache chute dans une affaire qui renvoie l’extrême droite autrichienne au spectre brandi par ses détracteurs: liens troubles avec la Russie, atteintes à la liberté de la presse, financements douteux.

M. Strache a été secrètement filmé, durant l’été 2017, lors d’une rencontre où il propose notamment d’offrir d’importants marchés publics à un oligarque russe en échange d’investissements dans le plus puissant journal du pays, Kronen Zeitung.

Outre les propos compromettants qu’il tient, il se comporte lors de ce rendez-vous dans une villa d’Ibiza comme « un adolescent vantard et macho », visiblement alcoolisé et au langage très relâché, a-t-il reconnu samedi.

Etre devenu « salonfähig » (fréquentable) n’était pas le moindre succès de ce Viennois aux yeux bleux ayant frayé avec la mouvance néonazie dans sa jeunesse.

La presse avait ressorti des photos datant des années 1980 montrant M. Strache se livrant à des exercices paramilitaires avec des membres du groupuscule néonazi interdit Wiking Jugend. « J’étais stupide, jeune et naïf », avait plaidé l’intéressé.

Après la première participation avortée du FPÖ au gouvernement du chancelier Wolfgang Schüssel dans les années 2000, Heinz-Christian Strache avait débordé son ex-mentor Jörg Haider sur sa droite pour s’emparer des rênes du parti.

– « Tactique » de la modération –

Ce tribun né le 12 juin 1969, qui s’est essayé aux clips de rap électoral, avait testé différents habillages politiques, jusqu’à présenter une candidate ultranationaliste à la présidentielle en 2010, avant d’écarter les caciques les plus encombrants du parti.

Il avait abandonné les provocations et appris à montrer patte blanche, jusqu’à devenir numéro deux du gouvernement dirigé par le conservateur Sebastian Kurz (du parti ÖVP), entouré de sa garde rapprochée à la tête de cinq ministères stratégiques, dont les Affaires étrangères et l’Intérieur.

Cet ancien assidu des boîtes de nuit et des réseaux sociaux, qui a rajeuni l’électorat du FPÖ, affichait également le profil assagi d’un père de famille cultivant son jardin entouré de sa jeune épouse, de son chien et de son troisième enfant, né il y a quelques mois.

La stratégie s’est avérée payante: de 11% aux législatives de 2006, le FPÖ s’est hissé au second tour de la présidentielle en 2016, du jamais vu, et a recueilli 26% aux législatives de 2017, s’imposant comme un partenaire de choix pour M. Kurz.

Mais sur le fond, M. Strache et son parti n’ont rien cédé sur leurs fondamentaux xénophobes et eurosceptiques, selon les analystes.

Pour l’expert politique Thomas Hofer, « l’adoption d’un ton modéré relève d’une simple tactique ».

Durant les 18 mois de coalition entre le FPÖ et l’ÖVP de Sebastian Kurz, arrivés au pouvoir fin 2017, les dérapages à caractère xénophobe, homophobe ou néonazi se sont enchaînés à un rythme quasi-hebdomadaire, impliquant des cadres et des membres du FPÖ, qui les a toujours qualifiés de « faits isolés ».

Heinz-Christian Strache a désigné samedi pour lui succéder à la tête du FPÖ l’actuel ministre des Transports Nobert Hofer, finaliste de l’élection présidentielle de 2016 perdue par l’extrême droite.

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