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Sur la frontière irlandaise, le plan Johnson ne rassure pas

Qu'ils soient pour ou contre le Brexit, les habitants du village de Middletown, en Irlande du Nord, s'accordent sur une…

Qu’ils soient pour ou contre le Brexit, les habitants du village de Middletown, en Irlande du Nord, s’accordent sur une chose: la nouvelle offre de Londres n’a pas de quoi dissiper leurs craintes d’un retour d’une frontière sur l’île.

« C’est une plaisanterie », balaye Lena Carville, 52 ans, interrogée par l’AFP alors qu’elle se rend à la poste de ce village frontalier de 250 habitants.

« Ce sera difficile pour tout le monde à la frontière », ajoute-t-elle. « Ce sera un désastre. »

Trois ans après le référendum sur le Brexit, les négociations pour la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne butent sur la manière d’éviter le retour d’une frontière en Irlande entre la province britannique du Nord et la république membre de l’Union européenne au sud.

Le Premier ministre britannique Boris Johnson a assuré que son plan, prévoyant que l’Irlande du Nord reste à terme dans la même zone douanière que le reste du Royaume, n’entraînerait pas de contrôles douaniers « sur la frontière » ou « près » de cette ligne. Il estime que les procédures peuvent être menées dans les locaux des entreprises, à d’autres points du trajet des marchandises, ou électroniquement à l’aide de nouvelles technologies.

Signe de l’inquiétude qui règne dans la région: sur les collines verdoyantes qui entourent Middletown, des pancartes indiquant « Pas de frontière » ou « Zone douanière de l’Union européenne » côtoient le bétail.

Pour Peter Mackle, un agriculteur de 60 ans, le problème est très concret: il vit juste en dehors du village… mais de l’autre côté de la frontière, en République d’Irlande.

« Personne ne sait ce qu’il va se passer », déplore ce partisan du Brexit, exaspéré, au volant de sa Range Rover garée dans la rue principale du village.

Il ne croit pas à un retour au passé douloureux des divisions: « Il n’y aura pas de douanes à la frontière entre le nord et le sud tout simplement parce que ce n’est pas autorisé », assure-t-il. « Cela sera empêché quelle que soit la loi et ceux qui la font. Cela ne sera sera pas toléré. »

– Hausses de taxes et marché noir –

Le retour d’une frontière entre les deux Irlande est vu comme une menace pour la paix en Irlande du Nord, difficilement établie en 1998 après trois décennies de violences entre des républicains nationalistes (catholiques), partisans de la réunification de l’île, et loyalistes unionistes (protestants), défenseurs du maintien dans la Couronne britannique.

L’accord du Vendredi Saint a entraîné le démontage des infrastructures frontalières sur les 500 kilomètres de la ligne séparant les deux territoires.

Et malgré les assurances de Boris Johnson, il est difficile d’imaginer comment les contrôles douaniers pourront se passer d’installations physiques à proximité.

A Middletown, Lena Carville se dit « inquiète »: « A mon âge, j’ai connu les troubles et je ne veux pas de cela pour mes enfants », explique la quinquagénaire.

« On ne peut pas revenir sur l’accord du Vendredi Saint », approuve Gerald Williamson. « C’est gravé dans le marbre, c’est très important pour les gens ici ».

Les entreprises d’Irlande du Nord se sont également montrées très critiques face au plan de Boris Johnson.

Pour Aodhan Connolly, directeur du Consortium de la distribution d’Irlande du Nord, il entraînerait « de la complexité, des retards, des droits de douane, des hausses de taxes sur la valeur ajoutée et des coûts ».

Mais à Middletown, Noelenn Simpson, en plein préparatifs avant l’ouverture de son café, se montre indulgente pour le Premier ministre: « Il fait ce qu’il peut ».

Elle préfère son plan à un « no deal » synonyme de retour brutal de contrôles sur les routes frontalières.

Garé dans la rue principale, un automobiliste voit même un bon côté au retour de douanes: la réapparition d’un marché noir comme aux temps des troubles. « On pourrait gagner beaucoup d’argent avec ça! »

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