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Sur le fleuve Suchiate, des migrants centraméricains entre rêve et amertume

"Que rien sur terre ne nous arrête", clame sur un mur un graffiti d'un puissant jaguar protégeant une cohorte de…

« Que rien sur terre ne nous arrête », clame sur un mur un graffiti d’un puissant jaguar protégeant une cohorte de migrants. A la frontière séparant le Mexique du Guatemala, le rêve américain de migrants centraméricains croise pourtant celui, brisé, de migrants expulsés vers leur pays d’origine.

« Nous avons préféré passer légalement » raconte à l’AFP José Mario, 53 ans, sur le pont qui enjambe le fleuve Suchiate, frontière naturelle entre les deux pays.

« Ceux qui franchissent le fleuve, sont attrapés puis renvoyés », explique cet Hondurien, tandis que trois autobus ramènent les infortunés au Guatemala.

Derrière les vitres fumées des autobus, des visages fermés, très jeunes pour la plupart.

José Mario fait partie de la centaine de migrants arrivée dans la matinée à la frontière. Il patiente sur le pont avec une autre famille avant d’entamer des démarches administratives pour obtenir un titre de séjour temporaire.

Il n’exclut pas de s’installer au Mexique et d’y trouver un emploi, lassé des violences et de la pauvreté au Honduras.

Certains migrants, en attente de papiers, sont logés par les autorités mexicaines dans un abri de fortune dans l’enceinte des bâtiments migratoires, où du linge sèche au soleil et des enfants jouent.

– Barrages policiers –

Sous la pression du président américain Donald Trump, et face à l’ampleur de la crise migratoire, le Mexique a durci sa politique à l’égard des migrants, en majorité centraméricains.

Selon le gouvernement, quelque 300.000 personnes ont pénétré le territoire depuis le début d’année. Pour les empêcher d’atteindre la frontière avec les Etats-Unis, les autorités délivrent désormais des documents migratoires leur permettant de circuler uniquement dans les Etats du sud du pays.

« Trump a raison », confie à l’AFP un agent frontalier sous le couvert d’anonymat. « Le Mexique les laisse entrer, leur donne des facilités, mais il ne faudrait pas ».

La frontière entre le Mexique et le Guatemala reste extrêmement poreuse et aucun déploiement policier n’est visible le long du fleuve. Les autorités préfèrent dresser des barrages sur les routes qu’empruntent les migrants pour progresser vers le nord.

Depuis plusieurs semaines, des opérations de police d’une ampleur inédite sont menées sur les premiers kilomètres de route, aux abords de Ciudad Hidalgo.

Mercredi, l’avancée d’une caravane de 1.200 personnes a ainsi été stoppée par des policiers anti-émeutes et des militaires, et plusieurs centaines de Centraméricains interpellés, provoquant de fortes tensions.

Selon des chiffres officiels, plus de 51.000 migrants ont été interpellés au Mexique entre janvier et avril, soit une hausse de 17% par rapport à la même période l’an dernier.

Les centres de rétention sont saturés et plusieurs évasions massives de migrants ont eu lieu ces dernières semaines.

– Fleuve et passeurs –

La plupart de ces illégaux entrent au Mexique par le fleuve Suchiate, qui à certaines périodes peut être franchi à pied. D’autres empruntent les embarcations pneumatiques qui passent d’une rive à l’autre et servent au commerce entre les deux pays.

Cristobal, un Mexicain de 38 ans, travaille depuis de nombreuses années à faire traverser personnes et marchandises sur ce fleuve aux eaux boueuses.

Lui-même est un ancien migrant expulsé des Etats-Unis où il travaillé cinq ans dans le bâtiment à Dallas, au Texas. « Les migrants traversent au milieu des locaux, parfois on ne peut pas les repérer, et puis ce n’est pas notre boulot », dit-il à l’AFP.

Sur les embarcations s’empilent des stocks de boissons gazeuzes, de papier hygiénique, parfois de l’essence de contrebande ou des volailles.

« La frontière est longue et beaucoup passent ailleurs sur le fleuve » explique-t-il.

Une fois sur la rive mexicaine, certains migrants se dissimulent désormais à l’arrière de véhicules pour éviter les barrages policiers.

D’autres, plus aisés car bénéficiant du soutien financier de leur famille installée aux Etats-Unis – notamment les Cubains – font appel à des passeurs pour atteindre la frontière américaine.

La mise en place de barrages policiers aurait d’ailleurs fait monter les tarifs exigés par ces passeurs, qui parfois travaillent pour des gangs criminels, pour le transport à la frontière. Le montant atteindrait désormais 6.000 dollars par migrant.

Sur le pont de Ciudad Hidalgo, les migrants dépourvus de moyens comptent sur leur bonne étoile pour échapper à ces gangs et atteindre la frontière par leurs propres moyens.

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