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Sur le front ukrainien, espoirs et craintes après le recul des troupes

Dans le calme de la campagne, des poules picorent. Mais, sur les murs de maisons, les impacts de balles sont…

Dans le calme de la campagne, des poules picorent. Mais, sur les murs de maisons, les impacts de balles sont là pour rappeler les tensions persistantes. Le village ukrainien de Katerynivka espère malgré tout le retour à la paix, après le recul de troupes de la ligne de front.

« Ici, nous rêvons tous de la paix que Vovotchka nous a promise. Et que tout soit comme avant ! », s’exclame Valentyna Reznyk, une villageoise de 67 ans, reprenant le diminutif du prénom du président ukrainien, Volodymyr Zelensky.

Elu à la tête de l’Etat en avril, cet ex-comédien de 41 ans s’est fixé pour priorité de rétablir la paix dans son pays, dont une partie des régions orientales est en proie à une guerre avec les séparatistes prorusses soutenus par Moscou.

Sous l’impulsion de M. Zelensky, qui cherche à obtenir l’accord de Moscou en vue de l’organisation d’un sommet pour tenter de mettre fin à un conflit ayant fait près de 13.000 morts en cinq ans, l’Ukraine et les séparatistes ont procédé cette semaine à un retrait de leurs unités dans un petit secteur de la ligne de front, près de Zoloté, une localité de la région de Lougansk.

Cette initiative a suscité de vives protestations à Kiev, notamment auprès des nationalistes et d’anciens combattants, les détracteurs du président y voyant « une capitulation face au Kremlin ».

Le mouvement d’extrême droite Corps national a même envoyé des militants armés à Zoloté. Une quarantaine d’entre eux y sont déployés pour « observer le désengagement » et « protéger » les civils, a déclaré samedi à l’AFP un porte-parole de cette organisation, Roman Tchernychev.

– « Pourquoi nous abandonnez-vous ? » –

Dans le village de Katerynivka, contrôlé par l’armée ukrainienne et dont une partie – environ 90 maisons – se trouve dans la zone de désengagement, plusieurs civils interrogés par l’AFP se disent prudemment optimistes.

« Je ne crois pas qu’on nous rendra les territoires (sous contrôle séparatiste) (…) En étant réaliste, on veut simplement que ça cesse de tirer », commente Oleksiï, un mineur de 53 ans. Depuis le retrait, il confirme que « c’est devenu plus calme ».

Comme pratiquement tous les habitants de Katerynivka, Oleksiï travaille dans la mine de charbon locale. En difficulté, cette entreprise publique ne verse plus les salaires depuis quatre mois, renforçant encore la misère dans cette région du Donbass longtemps défavorisée.

Sous couvert d’anonymat, deux villageois ont accusé les militaires ukrainiens de tirer sur les positions séparatistes à partir des zones d’habitation. Après, ils repartent « et nous, on reste en redoutant une riposte », a dit à l’AFP l’un de ces hommes.

Portant des écussons « L’Ukraine ou la mort », d’autres soldats de Kiev étaient en train samedi d’aménager leurs nouvelles positions à plusieurs centaines de mètres des anciennes. Ils ont confirmé que les échanges de tirs avaient pratiquement cessé, mais restaient sur leur gardes.

« On doute que les séparatistes aient vraiment reculé et on pense qu’ils prévoient d’occuper nos anciennes positions », lâche Volodymyr, un militaire à la barbe fournie, kalachnikov sur la poitrine.

En cas d’attaque, « on pourra retourner sur nos positions en quatre minutes », assure-t-il.

« Certains villageois nous demandent : +Pourquoi nous abandonnez-vous ? On compte sur vous+. D’autres ont trop regardé la télé russe et croient que ce sera mieux si on part », ajoute le soldat.

La population vivant près de la ligne de front regarde plutôt les chaînes de télévision russes, plus faciles à capter dans cette région. Pendant des années, beaucoup ont traité le gouvernement de Kiev de « régime nazi » et l’armée ukrainienne de « force punitive ».

Après le départ des militaires, la police ukrainienne a déployé des patrouilles armées à Katerynivka. Des véhicules tout-terrain blancs des observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération (OSCE) sillonnent également le terrain cabossé.

« Sur le plan militaire, le retrait c’est mauvais. Mais politiquement, c’est bien », résume Volodymyr.

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