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Syrie: près de Raqa, un charnier de l’EI n’a pas encore livré tous ses secrets

Sous un champ à l'extérieur de Raqa, l'ex "capitale" du groupe Etat islamique (EI) en Syrie, un legs meurtrier des…

Sous un champ à l’extérieur de Raqa, l’ex « capitale » du groupe Etat islamique (EI) en Syrie, un legs meurtrier des jihadistes a été découvert: le plus important et plus ancien charnier de l’EI, qui renfermerait 3.500 corps.

Les premiers secouristes ont découvert le site macabre le mois dernier dans une banlieue agricole d’al-Foukheikha, plus d’un an après que les forces soutenues par les Etats-Unis ont repris à l’EI son ancienne place forte en Syrie, et alors qu’elles s’apprêtent à prendre l’ultime poche jihadiste à Baghouz, plus au sud.

La découverte macabre est à ce jour le plus grand exemple illustrant les violences du groupe extrémiste, estiment les excavateurs et des militants des droits humains, alors que le « califat » autoproclamé des jihadistes est sur le point de s’effondrer.

Au milieu de monticules d’ordures, les services de la défense civile de Raqa ont déterré plus de 120 corps à al-Foukheikha.

« Il y a des tombes individuelles mais, derrière nous, sous les arbres, il y a un charnier contenant les corps de ceux exécutés par Daech (acronyme arabe de l’EI) », affirme Asaad Mohammad, 56 ans, assistant médico-légal chargé du site.

« On estime entre 2.500 et 3.000 les corps enterrés ici en plus des 900 à 1.100 corps mis dans des tombes individuelles, ce qui fait au total quelque 3.500, » dit cet homme.

Huit autres fosses communes ont déjà été recensées autour de la cité du nord de la Syrie, dont une surnommée « Panorama » et contenant plus de 900 corps exhumés.

« Al-Foukheikha est le plus large charnier depuis que l’EI s’est emparé de Raqa » en 2014, assure M. Mohammad.

– « Encore pire » –

Récemment, les hommes fouillant la fosse commune ont exhumé un ballot enveloppé dans un tissu humide.

En enlevant le tissu, ils ont découvert un corps en décomposition avec un maxillaire dessoudé. « Estimé à 35 ans, brûlé au 3e degré », dit M. Mohammad, qui a examiné les restes.

Autour de lui, on n’entend que le bruit des pelles qui remuent la terre, et le vent qui caresse les sapins.

Son collègue enveloppe le corps dans une bâche blanche sur laquelle Mohammad a griffonné la date, le lieu, et un petit mot qu’il a l’habitude d’écrire: « non identifié ».

Vers midi, son équipe formée de huit membres a déterré huit corps. Certains sont morts depuis longtemps et il n’en reste que peu de choses. Les excavateurs doivent mettre une pierre pour que le linceul contenant les restes du corps ne soit emporté par le vent.

L’équipe enregistre tous les détails d’identification –la longueur des cheveux, la tenue vestimentaire– et dépose ensuite les corps sur une camionnette afin de leur donner une sépulture, dans un cimetière situé à 10 km.

Selon Mohammed, la tâche macabre est devenue une routine. Après la chute de Baghouz, « les choses qui se sont produites à Raqa, se reproduiront là-bas », poursuit-il.

Ce sera « peut-être pire, car les combats sont plus intenses et les gens n’ont nulle part où aller », craint-il.

– Recherche de réponses –

Depuis que l’équipe a commencé son travail à Raqa en janvier 2018, elle a pu exhumer plus de 3.800 corps, indique son chef Turki al-Ali.

Sur ce total, 560 ont été identifiés et remis à leurs proches pour qu’elles se chargent elles-mêmes de leur enterrement, précise M. Ali à l’AFP.

L’identification se fait souvent de manière sommaire, les proches venant s’enquérir du sort d’un disparu, en fournissant des détails physionomiques aux secouristes.

Human Rights Watch (HRW) avait appelé en 2018 à fournir une assistance technique internationale aux équipes, pour aider à l’identification.

La découverte du charnier d’al-Foukheikha pourrait aider à obtenir des informations sur plusieurs milliers de personnes dont le sort demeure inconnu, y compris celui d’étrangers emprisonnés par l’EI.

« Nous avons écouté des récits de résidents d’al-Foukheikha rapportant avoir vu des gens rassemblés en uniforme orange », dit M. Ali, en référence à la tenue portée par les prisonniers du groupe jihadiste sur le point d’être exécutés.

Le journaliste américain James Foley portait cette uniforme quand il a été tué et des analystes pensent, sur la base des vidéos de son meurtre, qu’il aurait été exécuté près de Raqa.

Une autre Américaine, Kayla Mueller, aurait été aussi tuée près de Raqa, mais son corps n’a jamais été retrouvé.

« Ces fosses communes gardent les réponses sur le sort de personnes qui ont été exécutées par les combattants de l’EI, celles qui ont péri par des frappes de la coalition et celles portées disparues », explique Sara Kayyali, responsable à HRW.

Même si la bataille contre l’EI touche à sa fin, il y a encore beaucoup de choses à faire sur « l’héritage » de l’EI, dit-elle à l’AFP.

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