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Thaïlande: législatives le 24 mars, les premières depuis le coup d’Etat de 2014

Les élections législatives auront lieu le 24 mars en Thaïlande, un scrutin très attendu puisqu'il s'agit du premier depuis le…

Les élections législatives auront lieu le 24 mars en Thaïlande, un scrutin très attendu puisqu’il s’agit du premier depuis le coup d’État qui a porté une junte militaire au pouvoir en 2014.

« La commission électorale s’est réunie mercredi après-midi et a fixé au 24 mars la date des élections », a indiqué Ittiporn Boonpraconq qui préside cette commission.

Ces élections avaient été repoussées à de multiples reprises par les militaires ultra-royalistes au pouvoir.

Mais le calendrier s’est accéléré mercredi, avec la publication d’un décret du roi Maha Vajiralongkorn annonçant la tenue prochaine du scrutin.

La junte militaire a ensuite suggéré à la commission électorale de ne pas choisir une date trop proche du couronnement du roi, prévu du 4 au 6 mai, « un événement historique extraordinaire ».

« Le gouvernement demande à tous les Thaïlandais de les aider à maintenir l’ordre et l’unité pendant les élections », a-t-elle ajouté, alors que l’impatience ne cesse de monter dans le pays.

– Les ambitions de la junte –

De nombreux observateurs pensent que, même s’il cultive encore l’ambiguïté quant à ses prétentions politiques post-électorales, Prayut Chan-O-Cha, le chef de la junte, a de bonnes chances de se maintenir au pouvoir.

L’armée a en effet pris le temps de baliser le terrain en faisant adopter en 2016 une Constitution très controversée, avec un Sénat entièrement nommé par les militaires et qui aura son mot à dire sur la nomination du chef du gouvernement.

Prayut Chan-O-Cha a aussi profité de ses années de pouvoir pour s’assurer de la fidélité de plusieurs partis nouvellement créés. Il fait également campagne depuis des mois à travers les provinces rurales du pays, tentant de séduire électeurs et décideurs locaux.

Face à lui, l’opposition part affaiblie, notamment le parti Pheu Thai, qui a remporté toutes les élections nationales depuis 2001, mais dont les deux têtes d’affiche, Thaksin Shinawatra et sa soeur Yingluck, renversés respectivement en 2006 et 2014, sont aujourd’hui en exil.

Le Pheu Thai s’est dit néanmoins mercredi « prêt pour les élections », voyant comme « une victoire pour le peuple » le retour d’un gouvernement élu.

Parti démocratique du Siam, parti pour l’unité de la Thaïlande… Plusieurs dizaines de mouvements politiques nouvellement créés se sont enregistrés ces derniers mois.

Parmi les figures de la nouvelle génération d’opposants, le jeune millionnaire Thanathorn Juangroongruangk a lancé « Future Forward » (« En avant l’avenir »). Accusé d’avoir diffusé de fausses informations sur les réseaux sociaux en reprochant à la junte de tenter d’intimider ses rivaux, il a été inculpé en septembre.

Au tournant des années 2000, la Thaïlande a connu plus d’une décennie d’instabilité politique pendant laquelle le pays a été le théâtre de fortes tensions entre « Chemises rouges » (réformateurs, partisans des Shinawatra) et « Chemises jaunes » (conservateurs ultra-royalistes au premier rang desquels les généraux), ce qui a conduit à deux coups d’Etat militaires.

« Depuis le coup d’État (de 2014, NDLR), la polarisation a été mise sous le tapis. Mais elle reste bien présente », analyse Somjai Phagaphasvivat, professeur à l’université Thammasat.

Pour Sophie Boisseau du Rocher de l’Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale, « ces élections risquent d’être une mascarade politique » car « la campagne éectorale va être très courte » et « les partis n’auront pas le temps de dévoiler de véritables programmes ».

Elles pourraient encore aggraver « la désillusion à l’encontre de la classe politique, très forte, vu qu’aucune réforme d’envergure n’a été menée depuis 15 ans », a-t-elle ajouté.

Les enjeux du scrutin sont pourtant substantiels.

Avec une croissance attendue en 2019 inférieure à 4%, à 3,8% selon les prévisions de la Banque mondiale, la Thaïlande est le pays le moins performant parmi les membres de l’Association des nations du sud-est asiatique.

D’après plusieurs observateurs, la situation économique ne s’est donc pas améliorée sous l’autorité des militaires, pas plus que la lutte contre la corruption.

Sur le plan des droits de l’homme, le bilan n’est pas meilleur. Depuis 2014, des militants, des journalistes, des responsables politiques ou des membres d’ONG ont été arrêtés et poursuivis en justice pour avoir exprimé leur opinion sur la junte.

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