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Tirs à Bagdad où Internet coupé fait craindre aux manifestants un retour au pire

Les manifestants irakiens, qui réclament "la chute du régime", redoutent mercredi que la coupure d'internet ne soit un signe précurseur…

Les manifestants irakiens, qui réclament « la chute du régime », redoutent mercredi que la coupure d’internet ne soit un signe précurseur d’un retour aux violences de début octobre, les forces de sécurité tirant de nouveau à balles réelles dans la capitale.

Depuis le début le 1er octobre d’un mouvement spontané de contestation, près de 280 personnes –en majorité des manifestants– ont été tuées, selon un bilan compilé par l’AFP.

Les autorités ont proposé des réformes sociales et amendements constitutionnels, mais les manifestants continuent de réclamer le départ de tous les responsables qu’ils jugent corrompus et incompétents ainsi qu’une refonte totale du système politique mis en place après la chute du dictateur Saddam Hussein.

Dans le sud, chiite et tribal, la désobéissance civile continue de paralyser écoles, administrations et gagne les infrastructures portuaires et pétrolières vitales pour l’Irak –deuxième producteur de l’Opep–, pays dont les habitants étranglés par le chômage et la pauvreté réclament leur « part du pétrole ».

A Bagdad, les protestataires ont été une nouvelle fois pris mercredi sous les tirs à balles réelles des forces de sécurité sur le pont al-Chouhada.

Sur ce pont, le quatrième bloqué par des pans de béton installés par les autorités afin de contenir la foule qui continue de camper jour et nuit sur la place Tahrir, au bord du fleuve Tigre, des journalistes de l’AFP ont vu les manifestants porter des camarades blessés par balles.

Mahmoud, un manifestant de 20 ans, qui participait à ces évacuations de blessés, a rapporté que « les policiers anti-émeutes ont d’abord tabassé des manifestants à coups de matraques ».

« Les manifestants ont répondu avec des jets de pierre et ensuite les forces ont tiré sur nous », a-t-il dit à l’AFP.

– « Signal du sang » –

Jusqu’à lundi, sur les ponts al-Joumhouriya, puis Senek, les forces de l’ordre tiraient uniquement des grenades assourdissantes et des grenades lacrymogènes –dénoncées par les défenseurs des droits humains car elles sont dix fois plus lourdes qu’ailleurs dans le monde, et ont déjà tué plusieurs manifestants.

Mais depuis que la contestation a gagné les ponts al-Ahrar, lundi, et al-Chouhada mercredi, des tirs à balles réelles –parfois au gros calibre– ont commencé à résonner de nouveau dans la deuxième capitale la plus peuplée du monde arabe.

Du 1er au 6 octobre déjà, selon le bilan officiel des autorités, 157 personnes ont été tuées, pour la plupart des manifestants tombés à Bagdad sous les balles de snipers que l’Etat dit ne pas pouvoir identifier.

A l’époque, Internet avait été coupé pendant deux semaines à Bagdad et dans le sud du pays. Un blocus sur les réseaux sociaux a également été imposé début octobre, et n’a toujours pas été levé.

Depuis lundi soir, Internet est de nouveau aux abonnés absents. Les campagnes d’arrestations de militants vont bon train, selon des sources de sécurité et activistes. Des sources médicales s’inquiètent aussi de la disparition de plusieurs médecins, alors que de nombreuses voix en Irak dénoncent « des opérations d’enlèvement organisées ».

Dans ce « climat de peur » déjà dénoncé par les défenseurs des droits humains début octobre, les militants disent redouter d’être dispersés par des forces de l’ordre, qui assurent se défendre contre des « saboteurs » infiltrés parmi les manifestants.

Une source gouvernementale affirme également à l’AFP, sous le couvert de l’anonymat, que « la coupure d’internet est le signal qu’il va y avoir du sang ».

– Les autorités et l’Iran –

Dans le sud, la désobéissance civile continue de se renforcer, empêchant désormais l’accès d’employés à la compagnie pétrolière publique de Nassiriya, à une raffinerie de Diwaniya, et au port d’Oum Qasr, vital pour les importations du pays.

Dénonçant des « pertes de milliards de dollars », la représentante de l’ONU en Irak a appelé à « protéger les infrastructures ».

Alors que manifestants et forces de l’ordre se font face dans la rue, la situation continue de s’enliser sur le plan politique. L’Iran, grande puissance agissante en Irak avec son ennemi américain, plaide pour le maintien du statu quo.

Mardi, le Premier ministre irakien Adel Abdel Mahdi a balayé la proposition du président Barham Saleh de tenir des élections anticipées, la jugeant irréalisable.

Selon de hauts responsables sous le couvert de l’anonymat, le chef de gouvernement, au pouvoir depuis un an, est désormais isolé, à couteaux tirés avec M. Saleh et sous pression de ses alliés pro-Iran.

Téhéran –qui depuis quelques jours concentre la colère des manifestants l’accusant de tirer les ficelles dans leur pays– « n’est pas satisfait de M. Saleh », assurent à l’AFP plusieurs responsables politiques.

Pour l’Iran, ce Kurde dont le parti est de longue date proche de l’Iran, « a abandonné au premier obstacle celui qui l’a aidé à décrocher la présidence », expliquent-ils sous le couvert de l’anonymat.

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