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Transport à Brazzaville : quand les rabatteurs s’achètent une conduite

Longtemps considérés à Brazzaville, la capitale de la République du Congo, comme des désœuvrés voire des ratés, les rabatteurs ou…

Longtemps considérés à Brazzaville, la capitale de la République du Congo, comme des désœuvrés voire des ratés, les rabatteurs ou chargeurs de bus ou d’autocar de transport en commun ont eu le mérite de corriger cette vision négative, en donnant à leurs fonctions une image qui force, aujourd’hui, le respect.Pour ce faire, ils se sont, sous la supervision des forces de l’ordre, regroupés en associations dont les membres portent des gilets jaunes ou kaki. La confiance des transporteurs et des voyageurs est telle que les rabatteurs comptent maintenant dans leurs rangs des jeunes filles. Une nouveauté car jusqu’à une date récente, il n’y avait que des hommes de 15 à 35 ans qui s’évertuaient dans les différentes gares routières  de Brazzaville à orienter les voyageurs.

 De fait, les jeunes filles font partie du décor des gares routières et on les voit, du matin au soir, aller au devant des voyageurs ou les avertir à grands cris du départ imminent d’un bus ou d’un autocar.  Ne le cédant en rien à leurs collègues masculins, des filles encadrent même les voyageurs jusqu’à la voiture à bord de laquelle ils doivent s’embarquer.

De 8h à 22h voire 23h, heure d’arrêt des voitures de transport en commun, les chargeurs effectuent leurs incessant ballets, des voyageurs aux véhicules, puis une fois terminé le chargement on les voit s’approcher du chauffeur pour recevoir le « salaire » de leur prestation : 100 FCFA. 

C’est le prix d’un « chargement », explique Gabriel Tsali, soulignant que les 100 F mis bout à bout peuvent se traduire par une recette journalière de 15 à 20 mille FCFA. « A la fin du mois nous nous partageons ces recettes qui constituent nos salaires. Nous sommes  dix  (rabatteurs) dans notre association, repartis dans deux gares » de Bzzaville, ajoute-t-il. A l’en croire, cette période des vacances n’est pas tellement « rentable » par rapport à l’année scolaire où lui et ses collègues se frottent vraiment les mains.

Malgré tout, Gabriel s’en sort, car parvenant à faire vivre sa famille et à payer régulièrement  la location du deux-pièces qu’il occupe,  soit 35.000 F.CFA par mois.

Agé de 25 ans, le jeune homme qui a quitté l’université par « manque de soutien » rêve d’avoir son permis de conduire et d’être enfin chauffeur de transport en commun. A la question de savoir pourquoi il veut quitter la corporation des chargeurs, il dit que ce métier lui prend trop de temps, sans compter qu’il faut être constamment sur ses gardes pour que les chauffeurs ou leurs contrôleurs s’acquittent de leurs dus après chaque chargement.

Trouvée à la gare routière de Gamakosso (nord- ouest de Brazzaville), Jeannette Ongoli se plait pour le moment dans son activité et ne pense pas faire autre chose. Un petit sac en bandoulière, elle sillonne infatigablement la gare, rameutant les voyageurs et tendant prestement la main aux chauffeurs ayant fini de faire le plein de passagers et s’apprêtant à partir. A peine la pièce de 100 FCFA déposée sur sa paume, elle l’enfouit dans son sac, puis  s’en va a pas de course vers le prochain véhicule sur la liste des départs.

« J’occupe ma journée, c’est mon travail. Je suis ici tous les jours, malgré le froid et le soleil », déclare Jeannette Ongoli, entre deux cris adressés aux voyageurs à la recherche d’un véhicule en partance.

La vingtaine révolue, Jeannette qui n’aime pas « être à la remorque des hommes et à la charge des parents » renseigne qu’elle parvient  à subvenir à ses besoins et à s’occuper de son enfant.

N’ayant pas pu trouver de travail, malgré des études en gestion sanctionnées par un diplôme, elle a, au lieu de rester en chômage, jeté son dévolu sur le métier de rabatteur, une activité qu’elle estime être à sa « portée ».

Deux autres filles officient avec Jeannette à la gare routière de Gamakosso. Elles se relaient avec les garçons, plus nombreux et qui, par une entente tacite, restent en poste jusqu’à 23h en cas de nécessité. Les trois filles, elles, plient bagage à 20h.

D’après Jeannette, le partage des recettes avec leurs collègues masculins ne pose « aucun problème », surtout que, dit-elle,  tout se passe sous la supervision des policiers commis à la surveillance de la gare routière.

Juste retour des choses, les éléments des forces de l’ordre voient d’un bon œil la nouvelle image des chargeurs qui, en réglementant leurs activités, ont contribué à mettre un tant soit peu d’ordre dans la pagaille régnant jadis au niveau des gares routières de Brazzaville.

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