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Trêve hivernale: cinq mois de répit pour les locataires menacés d’expulsion

La trêve hivernale débute jeudi: jusqu'au 31 mars, les locataires ne peuvent pas être expulsés de leur logement pour des…

La trêve hivernale débute jeudi: jusqu’au 31 mars, les locataires ne peuvent pas être expulsés de leur logement pour des impayés, sauf exceptions. Les associations insistent elles sur la prévention, indispensable pour éviter de tomber à la rue.

– Comment fonctionne la trêve ? –

La trêve hivernale est née après un appel de l’Abbé Pierre en 1954 et a été inscrite dans la loi en 1956. Initialement fixée du 1er décembre au 15 mars, elle a été étendue à plusieurs reprises. Depuis 2014, elle dure du 1er novembre au 31 mars.

Pendant cette période, la loi interdit d’expulser l’immense majorité des locataires de leur logement. Depuis 2017, elle protège aussi les habitants des bidonvilles. Ce cadre reconnaît trois exceptions: l’expulsion reste possible si le locataire bénéficie d’un relogement adapté pour lui et sa famille, ou si l’immeuble est reconnu comme dangereux via un arrêté de péril. Un juge peut également ordonner l’expulsion de squatteurs entrés illégalement dans un logement.

Cette trêve concerne aussi l’électricité et le gaz: pendant cinq mois, les fournisseurs d’énergie ne peuvent pas interrompre leurs services.

– Combien de procédures d’expulsion ? –

Les expulsions en présence des forces de l’ordre ont atteint « un niveau inédit » en 2017, selon la Fondation Abbé Pierre: 15.547, contre 15.222 en 2016. Cette légère hausse cache « une augmentation de 46% en 10 ans et 106% en 15 ans », s’alarme son délégué général, Christophe Robert.

« En réalité, on expulse deux à trois fois plus de ménages. Beaucoup n’attendent pas que la police vienne changer la serrure » et partent d’eux-mêmes, rappelle-t-il.

Après la mise en place d’un plan de prévention spécifique par l’Etat, les décisions de justice ordonnant une expulsion ont baissé légèrement en 2017 pour la deuxième année de suite (125.971 contre 129.189 en 2016).

La clé pour éviter les expulsions reste « la prévention et l’accompagnement juridique des familles. Une fois l’expulsion prononcée, c’est souvent trop tard », insiste M. Robert.

Selon lui, « il faudrait fixer des objectifs de baisse des expulsions aux préfets, capables de mobiliser toute la chaîne de prévention: les bailleurs sociaux ou privés, les CAF (Caisses d’allocations familiales), les départements, etc. »

Il déplore également la réduction du fonds d’indemnisation aux propriétaires en cas d’absence d’expulsion, « passé de 78 millions d’euros en 2005 à 25 millions en 2016 ».

« L’Etat indemnise moins et de facto, il expulse plus », abonde Florent Gueguen, directeur de la Fédération des acteurs de la solidarité. « Pourtant mettre une famille à la rue, c’est la voir arriver dans un hébergement d’urgence, qui coûte également cher ».

– Que peut faire le propriétaire ? –

Pendant la trêve, rien n’empêche un propriétaire d’entamer ou de poursuivre une procédure d’expulsion.

« La procédure est très stricte et très longue. Elle dure souvent plus d’un an et demi, durée à laquelle peut s’ajouter la trêve hivernale », explique Pascal Thuet de la Chambre nationale des huissiers de France. Si le propriétaire ne respecte pas les formalités, il risque trois mois de prison et 30.000 euros d’amende.

Le bailleur doit d’abord envoyer un commandement de payer avant d’assigner son locataire devant le tribunal d’instance. Le juge peut alors résilier le bail, accorder un délai au locataire ou le maintenir dans les lieux.

En cas de résiliation, la justice délivre un commandement de quitter les lieux et un huissier tente d’obtenir l’expulsion des locataires. S’il échoue, il demande l’intervention des forces de l’ordre à la préfecture. Le préfet peut l’accorder et rendre l’expulsion possible, ou la refuser et indemniser le propriétaire.

– Quelles solutions pour le locataire ? –

« En cas d’impayés, il faut très rapidement se signaler aux services sociaux et aux associations, avant qu’il ne soit trop tard », reprend M. Gueguen.

Parmi les dispositifs existants, le Fonds de solidarité pour le logement (FSL) permet aux départements d’accorder des aides financières aux personnes en difficulté.

Les locataires peuvent se signaler à la CAF ou à la mairie. Les agences départementales pour l’information du logement (Adil) peuvent également les accompagner, tout comme certaines associations. La Fondation Abbé Pierre dispose d’une plateforme téléphonique « Allô prévention expulsion »: 0810 001 505.

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