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Tunisie: compte à rebours pour résoudre le casse-tête du gouvernement

Le parti tunisien d'obédience islamiste Ennahdha, arrivé en tête des législatives du 6 octobre, doit former un gouvernement d'ici deux…

Le parti tunisien d’obédience islamiste Ennahdha, arrivé en tête des législatives du 6 octobre, doit former un gouvernement d’ici deux mois mais il n’a que trois jours pour faire un choix cornélien: prendre la tête de l’exécutif ou la laisser à une personnalité indépendante.

La tâche de trouver une équipe susceptible de convaincre la majorité des députés s’annonce ardue: Ennahdha n’a en fait remporté que moins d’un quart des sièges, et il faudra probablement cinq ou six partis pour obtenir une majorité stable, une gageure.

Le Parlement est en effet morcelé entre des dizaines de formations très divergentes, dont nombre ont exclu de travailler les unes avec les autres.

Les négociations se déroulent en coulisses depuis le lendemain des législatives, et un chef du gouvernement doit être chargé d’ici vendredi de constituer une équipe dans un délai d’un mois renouvelable une fois.

Signe des difficultés à trouver un accord: après un week-end de conciliabules sur le choix du gouvernement, Ennahdha n’a donné aucun nom. Le parti s’est contenté de proposer son chef historique, Rached Ghannouchi, comme futur président du Parlement — s’il est élu mercredi, cela l’exclue des possibles Premiers ministres.

Abdelkarim Harouni, le chef du conseil de la choura, l’organe consultatif du parti, a souligné que ce conseil « tient au droit du mouvement de présider le gouvernement », regrettant la position de « certains partis qui veulent priver le vainqueur des législatives » de ce droit.

Il y a cependant un débat jusqu’au sein d’Ennahdha sur le fait de proposer un Premier ministre issu de ses rangs, face au risque d’échec des efforts pour rassembler autour d’une personnalité partisane.

Les partis susceptibles de rejoindre une alliance craignent effectivement d’y laisser des plumes sur le plan politique: « ils considèrent que Ennahdha est rejeté largement par une grande partie du l’opinion publique », souligne l’analyste Slaheddine Jourchi.

En outre, sa précédente expérience du pouvoir en 2013 s’était achevée par une grave crise, tandis que le bilan politique du gouvernement sortant, appuyé par Ennahdha, n’est pas reluisant.

– Avenir du parti –

Mais si Ennahdha opte pour un chef de gouvernement indépendant, il risque d’essuyer le courroux de ses bases, qui comprendraient mal que le parti renonce à nouveau à exercer le pouvoir en première ligne, après avoir réussi l’objectif fixé d’arriver en tête aux législatives.

Un tel mécontentement pourrait peser lourd sur l’avenir du parti, qui sera en question lors du prochain congrès quadriennal, prévu en 2020.

Le parti arrivé en seconde place aux législatives, Qalb Tounes, a appelé lundi à placer un indépendant à la tête du gouvernement.

Jusqu’à là, ce parti mené par l’homme d’affaires controversé Nabil Karoui, vaincu à la présidentielle et poursuivi pour blanchiment, avait exclu de participer officiellement aux négociations avec Ennahdha, qu’il a accusé d’avoir manigancé pour faire incarcérer M. Karoui durant la campagne électorale cet été.

Une telle alliance serait très mal vécue par les électeurs d’Ennahdha, qui a fait campagne en promettant de rompre avec le passé, incarné selon lui par M. Karoui.

Les pourparlers excluent le PDL de l’avocate anti-islamiste Abir Moussi.

Rached Ghannouchi a en revanche rencontré le Courant démocratique du militant des droits de l’Homme Mohamed Abbou, le parti Tahya Tounes du Premier ministre Youssef Chahed, le Mouvement du Peuple (nationaliste), et la Coalition Karama (islamo-populiste).

Avec les 52 sièges d’Ennahdha, ces partis pourraient former une majorité.

Mais à l’exception de Karama, qui a concurrencé Ennahdha sur sa droite, les autres formations ont toutes refusé de participer à une coalition gouvernementale sous la houlette du parti.

Certaines formations sont dans l’expectative: elles espèrent un échec d’Ennahdha, qui à défaut d’avoir formé une coalition gouvernementale au bout de deux mois, devra laisser au président Kais Saied le soin de désigner un Premier ministre. Ce dernier aurait à nouveau deux mois pour former un gouvernement soutenu par la majorité des députés.

Reste à espérer que les négociations permettent à un exécutif de se mettre rapidement au travail.

Car ce qui attend le prochain gouvernement, c’est un pays en profonde crise sociale, avec un lourd fardeau de dettes, où le chômage et l’inflation alimentent la grogne d’une population aux attentes déçues.

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