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Tunisie: grève générale dans la fonction publique à un an des élections

Les fonctionnaires tunisiens, représentant plus d'un sixième des travailleurs du pays, ont suivi massivement jeudi une grève à l'appel de…

Les fonctionnaires tunisiens, représentant plus d’un sixième des travailleurs du pays, ont suivi massivement jeudi une grève à l’appel de la puissante centrale syndicale (UGTT), pour réclamer des augmentations salariales et envoyer un fort message de défiance au gouvernement à l’approche d’élections nationales.

C’est la première grève de cette ampleur depuis 2013, et selon l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), la première menée par la seule fonction publique dans l’histoire du pays.

Plusieurs milliers de manifestants réunis devant le Parlement à Tunis ont scandé « dégage » à l’adresse d’un gouvernement qu’ils ont qualifié de « mendiants », face aux bailleurs de fonds internationaux prônant une réduction de la masse salariale de l’Etat.

Des manifestations ont également eu lieu dans plusieurs grandes villes du pays. A Sfax (centre), des militants ont défilé dans le calme jusqu’au siège du gouvernorat. A Gafsa (sud), au cœur du bassin minier, plusieurs centaines personnes ont manifesté après un discours du responsable local de l’UGTT, a indiqué un correspondant de l’AFP sur place.

Les transports publics continuaient à fonctionner, mais les ministères, écoles, hôpitaux et autres administrations étaient paralysés.

« Vous avez détruit ce peuple, vous l’avez affamé », a lancé au milieu d’une foule compacte devant le Parlement à Tunis, le secrétaire général de l’UGTT Noureddine Taboubi, qualifiant la classe politique d' »adolescente » après des luttes de pouvoir fratricides.

« Nous n’allons pas céder à vos choix libéraux, nous allons prendre des décisions militantes et mobiliser l’ensemble des secteurs », a-t-il menacé, annonçant une réunion samedi pour décider des suites à donner au mouvement, dans un contexte social tendu.

Il a souligné que les fonctionnaires ne demandaient pas « une faveur », mais le maintien de leur pouvoir d’achat, érodé par une inflation flirtant avec les 7,5%.

Au delà des revendications salariales, M. Taboubi a souligné sa détermination à peser lors des élections législatives et présidentielle prévues fin 2019.

« J’appelle toutes les catégories de ce peuple à être présentes lors des prochaines élections », a-t-il lancé. « Toutes les étapes nous concernent, nous ne laisserons passer aucune élection ».

– Grogne sociale –

Malgré les avancées de la transition démocratique après la chute du président Zine el Abidine Ben Ali en 2011, et une reprise de la croissance après des années de marasme, la Tunisie peine à répondre aux attentes sociales de la population.

L’inflation, alimentée notamment par la chute du dinar, et le chômage persistant au-dessus de 15%, exacerbent la grogne sociale qui a dégénéré en émeutes en janvier dernier dans plusieurs villes du pays.

La grève a été suivie à 90%, assure l’UGTT qui éclame pour les 673.000 fonctionnaires de l’Etat, des augmentations au moins égales à celles concédées cette année aux salariés des entreprises publiques, qui vont de 45 (15 euros) à 90 dinars (30 euros) par mois.

« Cette augmentation n’a pas été prise en considération dans le budget de l’Etat de 2019 », a affirmé à l’AFP Bouali Mbarki, secrétaire général adjoint de l’UGTT.

Cette mobilisation intervient alors que le Parlement commence à débattre samedi de la dernière loi de finances de sa mandature.

Les bailleurs de fonds qui maintiennent la Tunisie à flot, appellent à maîtriser les salaires de la fonction publique pour ne pas aggraver le déficit du pays. Ils souhaitent voir diminuer le poids de celle-ci dans le PIB, qui atteint 14%, l’un des taux les plus élevés de la région.

Dans leurs slogans, les manifestants ont pris à parti ces institutions financières internationales, qui sont accusées de dicter une politique libérale au gouvernement, scandant notamment « ô gouvernement de la famine, la Tunisie n’est pas à vendre ».

En difficulté financière, le pays a obtenu en 2016 du FMI un prêt de 2,4 milliards d’euros sur quatre ans, en promettant de mener de vastes réformes.

Une délégation des huit principaux bailleurs internationaux s’était déplacée en juillet pour appeler à poursuivre ces réformes dans « l’intérêt des citoyens », alors que le chef du gouvernement, Youssef Chahed, peinait à faire consensus autour d’un programme touchant notamment les caisses sociales et les nombreuses entreprises publiques.

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