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Tunisie: le parti Ennahdha dans un numéro d’équilibriste en vue des élections

Le parti d'inspiration islamiste Ennahdha, principale force au Parlement tunisien, mise sur un succès aux législatives d'octobre afin de pouvoir…

Le parti d’inspiration islamiste Ennahdha, principale force au Parlement tunisien, mise sur un succès aux législatives d’octobre afin de pouvoir jouer ensuite les faiseurs de roi lors de la présidentielle, pour laquelle il reste réticent à présenter son propre candidat.

Le mouvement de Rached Ghannouchi reste marqué par sa première expérience au pouvoir, lorsqu’il avait remporté fin 2011 le premier scrutin post-révolution. Il s’était alors retrouvé empêtré dans de profondes crises et confronté à une forte opposition politique.

Dans une atmosphère tendue, il avait dû se résoudre à céder la place à un cabinet de technocrates début 2014.

« Cette période au pouvoir a été difficile sur tous les plans », reconnaît son porte-parole, Imed Khemiri.

Le parti est conscient qu’un retour au pouvoir risquerait de ranimer ses plus féroces opposants, et de raviver la méfiance de certains voisins et bailleurs de fonds étrangers.

– « Démocrate musulman » –

« Par peur de prendre tout seul les décisions », Ennahdha va certes viser la première place aux législatives d’octobre, mais pas « la majorité parlementaire, car cela ferait du parti une cible pour tous les autres », affirme le politologue Slaheddine Jourchi.

« Ennahdha va déployer tous les efforts pour avoir au maximum 70 ou 75 sièges (sur 217) afin de négocier une coalition avec Tahya Tounès (le parti du Premier ministre Youssef Chahed, NDLR) ou une alliance plus large afin de ne pas exercer de responsabilités seul », ajoute-t-il.

Ennahdha est d’autant plus sur la défensive que les islamistes arrivés au pouvoir en Egypte en 2012 ont ensuite été la cible d’une implacable répression. Contesté par la rue après un an au pouvoir, le président Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, a été évincé par l’armée et emprisonné, tandis que ses partisans étaient pris pour cible.

Depuis qu’il a pris un peu de recul, Ennahdha s’évertue à policer son image, insistant pour être décrit comme un parti « démocrate musulman », et non « islamiste ».

A ce titre, il dit poursuivre sa transformation –annoncée en 2016– en force « civile », en excluant toute activité de prédication religieuse.

Pour la présidentielle, le mouvement reste réticent à l’idée de monter en première ligne. Ses dirigeants assurent toutefois que, contrairement à 2014 –lorsque le parti était resté officiellement neutre–, ils comptent soutenir un candidat.

Sur France 24, le 20 mai, Rached Ghannouchi n’a certes pas exclu de présenter « un membre d’Ennahdha », mais aussitôt ajouté que « le plus important » était de trouver « un candidat consensuel ». « Cet oiseau rare, on ne l’a pas encore trouvé », a-t-il dit.

Pour Zied Krichen, rédacteur en chef du quotidien arabophone Le Maghreb, le but premier d’Ennahdha « est de rester (associé) au pouvoir, ce qui nécessite deux choses: un bloc qui a du poids au Parlement et un président de la République qui n’entre pas en rivalité avec » le mouvement.

Le parti « attendra la dernière minute pour miser sur le candidat qui aura le plus de chances de remporter la présidentielle », juge-t-il.

– « Expérience acquise » –

Aucune des grandes formations n’a pour le moment annoncé de candidat.

Le magnat des médias Nabil Karoui et l’ancien Premier ministre issu d’Ennahdha Hamadi Jebali ont indiqué qu’ils se présenteraient. M. Ghannouchi a souligné dimanche que ce dernier ne le ferait pas au nom du parti, ce qui n’exclut pas un « éventuel » soutien selon lui.

En 2014, Ennahdha était resté à distance des favoris: Béji Caïd Essebsi, élu sur une plateforme laïque, et Moncef Marzouki, alors proche des islamistes.

Rached Ghannouchi avait ensuite conclu une alliance contre-nature avec M. Essebsi, qui a tenu jusqu’à fin 2018 et l’implosion du parti présidentiel Nidaa Tounès.

Ennahdha a perdu une partie de « sa base électorale entre 2011 et 2018 », avance encore Slaheddine Jourchi.

Mais, pour le politologue, le mouvement peut toujours se targuer d’avoir gagné le plus grand nombre de mairies lors des dernières élections locales de 2018.

Dans tous les cas, et avec « l’expérience acquise depuis 2011 (…), Ennahdha sera présent dans toutes les circonscriptions lors des prochaines élections ». Et « il tiendra « à la victoire », note Imed Khemiri.

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