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Un Chypriote-turc pourrait être élu au Parlement européen, une première

Un Chypriote-turc élu aux Européennes du 26 mai? L'universitaire Niyazi Kizilyurek, qui figure sur la liste du principal parti d'opposition…

Un Chypriote-turc élu aux Européennes du 26 mai? L’universitaire Niyazi Kizilyurek, qui figure sur la liste du principal parti d’opposition chypriote-grec, est en bonne position pour décrocher un siège au Parlement européen et briser un tabou dans l’île méditerranéenne divisée.

Depuis plus de 40 ans, les communautés chypriote-grecque et chypriote-turque vivent séparément, de part et d’autre de la ligne verte qui coupe en deux l’île, d’une population totale d’un peu plus d’un million d’habitants.

La République de Chypre, membre de l’Union européenne (UE) depuis 2004, n’exerce son autorité que sur les deux tiers sud de l’île, où vivent les Chypriotes-grecs.

Le tiers nord de l’île, où résident les Chypriotes-turcs, est occupé par la Turquie depuis 1974, quand Ankara est intervenue militairement en réaction à une tentative de coup d’Etat menée par des Chypriotes-grecs voulant unir l’île à la Grèce contre la volonté des Chypriotes-turcs.

– « Unique » –

La République turque de Chypre du Nord (RTCN), qui gère cette partie et tient ses propres élections, n’est reconnue que par Ankara, et les négociations de paix entre les deux parties de l’île, sous l’égide de l’ONU, sont dans l’impasse depuis 2017.

Les Chypriotes-turcs qui peuvent se présenter ou voter aux élections européennes devront se rendre dans la partie sud pour faire entendre leur voix.

C’est à ce titre que Niyazi Kizilyurek, professeur à l’Université de Chypre à Nicosie, concourt pour le scrutin, espérant pouvoir compter sur les votes des deux communautés.

Il figure en bonne place sur la liste du principal parti d’opposition chypriote-grec, Akel (communiste), qui a actuellement deux députés, sur un total de six chypriotes, au Parlement européen.

Le parti conservateur Disy, au pouvoir, a dénoncé un geste démagogique dans le but de gagner des votes dans le nord de l’île, mais d’autres y voient un tournant dans la politique du pays.

« Le fait que le parti chypriote-grec Akel présente un candidat chypriote-turc, c’est unique dans notre histoire », a déclaré à l’AFP M. Kizilyurek qui affirme vouloir parler « à tous les Chypriotes ».

Cette année, neuf Chypriotes-turcs en tout se présentent au scrutin européen, dont le rédacteur en chef du quotidien chypriote-turc Afrika, Sener Levent –connu comme un féroce critique du président turc Recep Tayyip Erdogan et de l’occupation turque– et cinq autres membres de son mouvement « Jasmin ».

Mais du fait qu’il n’ait pas le soutien d’un parti chypriote-grec, comme M. Kizilyurek, et que les Chypriotes-turcs sont nettement moins nombreux que les Chypriotes-grecs, ils n’ont guère de chance d’être élus.

M. Kizilyurek mène campagne dans les deux parties de l’île avec un programme proréunification.

« Akel est le seul parti présentant les Chypriotes-turcs comme égaux (des Chypriotes-grecs), et qui soutient une solution fédérale pour Chypre, avec des communautés vivant ensemble », estime M. Kizilyurek en soulignant la nécessité de reprendre les négociations de paix « dès que possible ».

– « Tabous brisés » –

« Pour la première fois » depuis les heurts intercommunautaires meurtriers de 1963, « un Chypriote-turc pourrait être élu en République de Chypre et donner une voix aux Chypriotes-turcs dans les affaires publiques », a estimé Hubert Faustmann, professeur de science politique à l’Université de Nicosie.

Les Chypriotes-turcs, isolés sur le plan diplomatique, affichent leur intérêt pour ces élections parce qu’ils veulent faire entendre leurs voix en tant que citoyens de l’UE, indique pour sa part l’analyste politique Mete Hatay, du centre de recherches bicommunautaire Prio.

« Les Chypriotes-turcs (…) ne veulent plus être invisibles », ajoute-t-il, estimant que quelque 10.000 d’entre eux pourraient aller voter.

La candidature de M. Kizilyurek « remet en cause le statu quo, donc c’est vraiment sain d’avoir ce débat, au lieu des élections avec une seule communauté comme d’habitude », indique M. Hatay.

« Pour la première fois dans l’histoire de Chypre, quelqu’un pourrait être élu par les deux communautés. Cela brise des tabous dans un pays où chaque communauté vote pour les siens », conclut-il.

La campagne pour les européennes se tient notamment dans un contexte de tensions croissantes entre la Turquie et Chypre, en raison d’une querelle sur des droits de forage dans des zones riches en gaz au large de l’île.

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