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Une députée noire s’attaque à la haine sur internet

À l'initiative d'une proposition de loi pour lutter contre la haine en ligne, la députée française Laetitia Avia sait de…

À l’initiative d’une proposition de loi pour lutter contre la haine en ligne, la députée française Laetitia Avia sait de quoi elle parle: cette femme noire de 33 ans est la cible constante de propos abjects.

Quand il lui est arrivé, « une fois ou deux » de ne rien recevoir, elle s’est demandé s’il « n’y avait pas un bug ». « C’est rare de ne rien recevoir », affirme à l’AFP cette ancienne avocate d’affaires, dont la famille est originaire du Togo et qui a grandi dans une banlieue populaire de Paris.

Mais depuis qu’elle s’est engagée en politique en 2017, dans le parti du président Emmanuel Macron, elle n’hésite pas à reposter les insultes et menaces de mort reçues sur les réseaux sociaux.

« C’est pour sensibiliser », explique-t-elle. « Les gens n’imaginent pas ce qui peut exister. Souvent je me dis +il faut que que je prête mon compte Twitter à quelques personnes de temps en temps pour qu’elles voient ce qui se passe…+ ».

Mais son combat passe surtout par la responsabilisation des plateformes internet, cibles de la proposition de loi examinée mercredi et jeudi à l’Assemblée nationale.

Mesure phare de ce texte, sur le modèle allemand: plateformes et moteurs de recherche auront l’obligation de retirer les contenus « manifestement » illicites dans les 24 heures, sous peine d’être condamnés à des amendes allant jusqu’à 1,25 million d’euros.

Sont visées les incitations à la haine, la violence, les injures à caractère raciste, antisémite, homophobe ou encore religieuses.

« Il y a une prise de conscience au sein de la société. Plus personne n’est disposé à accepter le statu quo; plus personne ne veut laisser les réseaux s’autoréguler. L’autorégulation n’a pas fonctionné », affirme-t-elle.

– Dispositif de signalement –

Outre les retraits sous 24 heures, il est prévu un « bouton » unique de signalement avec le même logo, identique pour toutes les plateformes telles Facebook, Twitter, Instagram ou YouTube. Ce bouton devra être « accessible, simple et clair », souligne Laetitia Avia, pour laquelle le mécanisme adopté par les sites allemands n’est pas assez clair.

« Je veux absolument faciliter l’expérience utilisateur », dit-elle tout en reconnaissant qu’il en ira autrement pour les sites qui vont devoir gérer les signalements et avoir les équipes pour cela.

« C’est en effet un investissement financier ».

Certains critiques de cette proposition de loi regrettent que la régulation soit confiée aux plateformes elles-mêmes et non à un organisme public, craignant des censures sélectives et un danger pour la liberté d’expression.

Pour Laetitia Avia cependant, le régulateur public, le CSA, veillera à ce que ces groupes privés ne soient ni laxistes ni trop restrictifs.

De leur côté, les trois principales organisations françaises de professionnels du numérique ont averti lundi qu’après une série d’amendements parlementaires, le texte vise désormais trop « large », « au risque de compromettre son application ».

Les députés proposent d’étendre l’obligation de retrait en moins de 24 heures au harcèlement sexuel, à la traite des êtres humains, au proxénétisme, la mise à disposition de mineurs à contenus pornographiques et l’apologie du terrorisme, selon les associations.

Celles-ci regrettent également l’intégration des moteurs de recherche dans le champ d’application de la proposition de loi.

Les grandes entreprises du numérique affichent leur soutien au renforcement de la lutte contre la haine en ligne, mais l’obligation de retrait inquiète. Car elle obligera les plateformes à décider très rapidement, au risque d’une cascade de polémiques et conflits juridiques.

Facebook en particulier, grand allié d’Emmanuel Macron pour une meilleure régulation d’internet, a fait part de son inquiétude.

La députée reste néanmoins convaincue qu’il faut fixer un délai rapide pour le retrait et des amendes.

« Je signale autant que possible ces contenus et je vois que les plateformes ne sont pas au rendez-vous. Elles mettent beaucoup de temps à retirer des contenus – quand ils sont retirés ».

« Encore ce weekend, j’ai signalé un contenu qui me qualifiait de +négresse+. J’ai reçu une réponse de la plateforme pour dire que ça ne contrevenait pas aux conditions générales d’utilisation… »

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