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Venezuela: la « méthode » Guaido en quatre points-clés

Encore inconnu des Vénézuéliens début janvier, l'opposant Juan Guaido, 35 ans, a pris la tête du Parlement, s'est autoproclamé président…

Encore inconnu des Vénézuéliens début janvier, l’opposant Juan Guaido, 35 ans, a pris la tête du Parlement, s’est autoproclamé président à la place de Nicolas Maduro et suscite un soutien international croissant: quelle est sa stratégie?

Son coup d’éclat a été de décider le 23 janvier d’assumer la présidence par intérim, conséquence logique selon lui du fait que l’opposition, comme nombre de pays, ne reconnaît pas le second mandat de Nicolas Maduro, entamé le 10 janvier.

Voici quatre points-clés de sa méthode:

– Le recours à Washington

Premiers à reconnaître Juan Guaido comme président, les Etats-Unis ont fait pencher la balance, selon les experts.

Le politologue Jesus Castillo-Molleda juge déterminante « l’attitude du gouvernement américain, avec ses alliés ». Cela a permis que la question vénézuélienne soit au menu d’une réunion du Conseil de sécurité à l’ONU.

Washington agit aussi sur le plan financier en sanctionnant le groupe pétrolier PDVSA, source de 96% des revenus du Venezuela: il a gelé ses avoirs à l’étranger et lui interdit tout commerce avec des entités américaines.

« Les Etats-Unis sont engagés dans leur théorie de l’effondrement total comme mécanisme pour provoquer la déstabilisation de Maduro », souligne l’économiste Luis Vicente Leon.

« S’ils réussissent cela fera imploser le chavisme, mais s’ils échouent, comme à Cuba, en Syrie ou en Iran, ce sera le peuple qui en sera le plus affecté ».

L’ex-puissance pétrolière est déjà en plein naufrage économique: le pays comme PDVSA sont en défaut de paiement et la production de brut est au plus bas depuis 30 ans, à 1,3 million de barils par jour.

Les Etats-Unis ont donné à Juan Guaido le contrôle des comptes bancaires du Venezuela sur le sol américain, « une étape décisive » selon l’analyste Luis Salamanca, car c’est désormais l’opposant qui recevra l’argent du pétrole vénézuélien vendu à Washington.

L’asphyxie économique devrait renforcer le mécontentement de la population, confrontée à de graves pénuries d’aliments et de médicaments ainsi qu’à une hyperinflation (10.000.000% cette année selon le FMI).

– L’isolement international

Ce volet s’est joué en deux temps: d’abord, les Etats-Unis, l’Union européenne et le Groupe de Lima (Canada et 13 pays latinoaméricains) ont rejeté le résultat de l’élection présidentielle de mai 2018, boycottée par l’opposition par crainte de fraudes.

Pour l’analyste Félix Seijas, la « coordination des forces internationales » a été cruciale. « Le soutien international à Guaido démoralise le gouvernement et lui fait perdre le contrôle », renchérit M. Castillo-Molleda.

Deuxième acte: Washington, le Groupe de Lima (excepté le Mexique) et l’UE n’ont pas reconnu le second mandat de Maduro.

Troisième phase enfin, avec la reconnaissance de Guaido comme président par les Etats-Unis et plusieurs pays d’Amérique latine, puis l’ultimatum de six pays européens (Espagne, France, Allemagne, Royaume-Uni, Pays-Bas, Portugal). Ils donnent jusqu’à dimanche à Maduro pour convoquer des élections, sinon ils reconnaîtront Guaido.

« Un soutien international d’une telle envergure à un responsable politique est inédit. C’est fondamental dans la stratégie (de Guaido), d’isoler Maduro », souligne Luis Salamanca.

– Un visage nouveau

C’est son grand point fort: cet député du parti Volonté populaire – dirigé par Leopoldo Lopez, assigné à résidence -, est un nouveau venu, président du Parlement depuis le 5 janvier.

« Son image transmet une idée de renouveau et cela a suscité la confiance », estime l’analyste Félix Seijas.

Pour Jesus Castillo-Molleda, « son autoproclamation a eu pour effet de faire renaître l’espoir chez une partie de la population qui était découragée, désespérée ».

Un effet qu’il qualifie de « sentimental » mais décisif après la frustration et la peur laissées par les quatre mois de manifestations en 2017, qui avaient fait 125 morts.

Selon le cabinet Eurasia, l’aval international de Guaido lui a donné une vraie envergure comme « principal visage de l’opposition », tout en « donnant un coup de fouet aux adversaires de Maduro » qui ont montré qu’ils pouvaient encore mobiliser massivement dans les rues.

– L’unité de l’opposition

L’opposition a longtemps pâti de ses divisions entre modérés et radicaux: Juan Guaido réussit la prouesse de réunir les deux courants.

« Une opposition plus unie, avec un fort soutien international, représente une variable importante, qui a évolué ces dernières semaines », souligne Eurasia.

Car « pour la première fois depuis les législatives de 2015, on observe une opposition politique cohérente, unie, avec une stratégie qui va au-delà des différences internes », salue M. Castillo-Molleda.

mis-ka:MF

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