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Venezuela: les soirs de match, les fans de foot bravent la peur de la nuit

A la nuit tombée, Caracas est une ville fantôme, ses rues sont désertées. Mais ce soir quelque chose brille encore:…

A la nuit tombée, Caracas est une ville fantôme, ses rues sont désertées. Mais ce soir quelque chose brille encore: le FC Caracas joue au stade olympique.

Par petits groupes, les fans de foot approchent de la pelouse verte qui brille à travers les gradins de béton gris: le club de la capitale vénézuélienne affronte ce mardi les Péruviens de Melgar, qu’il doit absolument battre pour se qualifier pour le second tour de la Coupe des Libertadores.

Mais s’aventurer un soir de match à Caracas n’est pas qu’affaire de rivalité sportive. Il faut aussi braver les criminels et surmonter les pénuries qui entravent le quotidien.

« Les transports sont difficiles la nuit, la situation du pays complique tout. Mais je suis venu me distraire et me détendre, le foot c’est le meilleur moyen. On oublie la situation pour un moment », confie Daniel Mendoza, 25 ans.

– Faire du bruit –

Dans le carré des plus fervents supporters du FC Caracas, derrière le gardien, les tee-shirts rouges se lèvent pour leur club, donnant du tambour et de la corne de brume. « Les Diables Rouges, toujours loyaux, toujours présents », annonce en lettres rouges le slogan de la tribune, à moitié vide.

Selon un responsable, le stade accueille 3.500 fans ce soir, trois fois rien pour sa capacité.

« Evidemment, l’ambiance s’en ressent », avoue Daniel Mendoza. « Avant, il y avait plus d’émotion, plus de gens ».

Pourtant, l’équipe la plus titrée du Venezuela joue plus qu’un match, et pas seulement pour la gloire. Gagner dans un tournoi ds grands clubs lui permettrait aussi d’affronter l’hyperinflation.

Autrefois, le FC Caracas portait des maillots Adidas mais depuis deux saisons, il a dû se tourner vers un fabricant local. Et l’an dernier, les joueurs se sont plaints que les ballons avaient été remplacés par une marque moins en vue.

Le billet de Mendoza pour le match lui a couté l’équivalent de 2,70 dollars – près de la moitié du salaire minimum en bolivars. Comme ingénieur dans les Télécoms, il gagne environ 50 dollars par mois.

« Ces dernières années, on a commencé à entendre les fans crier contre le gouvernement » lors des matchs, dit-il. « Il y a sûrement des gens pro-gouvernement aussi, mais pas assez nombreux pour faire du bruit ».

Dans les rues conduisant au stade, c’est une autre forme de tension qui prévaut.

Les habitants de Caracas mettent constamment en garde contre la criminalité et la violence: en cas d’attaque, aucune police de voisinage ne viendra t’aider. Et si tu es blessé, par balles ou au couteau, bien peu de matériel médical reste pour te soigner.

– Oxygène –

Récemment, les préoccupations habituelles ont été accrues par la tension politique qui règne depuis que l’opposant Juan Guaido a défié le président Nicolas Maduro en se proclamant président par intérim: de jeunes soldats en treillis verts ont pris position aux carrefours.

Parmi les braves qui ont dépassé leurs craintes, Alejandro, un père de famille de 46 ans, est venu avec sa fille de 16 ans aux longs cheveux, Ainhoa (par sécurité, ils préfèrent ne pas donner leur patronyme).

« C’est le moment pour nous de partager du temps ensemble, père et fille » justifie-t-il. « C’est comme l’oxygène, les matchs ça donne une bouffée d’air aux Vénézuéliens ».

Fébrile, l’équipe de Caracas récolte plusieurs cartons jaunes et rouge.

« L’arbitre-est-un-fils-de-pute! », chantent les fans en frappant dans leurs mains.

Le père d’Ainhoa lui a demandé de ne pas dire à ses amis qu’ils venaient au stade, il craignait qu’ils ne lui demandent de les ramener, compliquant un trajet déjà risqué.

« On a couru le risque, mais on en est conscient », souligne-t-il. « Si tu tombes en panne, tu ne sais pas ce qu’il peut se passer ».

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