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Venezuela: pour les provinciaux touchés par la crise, Caracas « c’est le paradis »

Avec la lueur de son portable comme seule source de lumière, Triztan fait ses bagages. Sans argent pour partir à…

Avec la lueur de son portable comme seule source de lumière, Triztan fait ses bagages. Sans argent pour partir à l’étranger, le jeune homme va tenter sa chance à Caracas et laisser derrière lui Maracaibo. Dans la deuxième ville du Venezuela, « la situation est effroyable ».

« La nuit, je n’arrivais pas à dormir à cause de la chaleur. Je restais éveillé jusqu’au matin en attendant que l’électricité revienne », souffle Triztan, 21 ans.

Triztan s’apprête à rejoindre la cohorte de Vénézuéliens pour lesquels Caracas est un « paradis ». Car au milieu de la récession qui frappe ce pays sud-américain pétrolier, la province est en première ligne. Depuis début 2016, 3,6 millions de Vénézuéliens ont émigré pour repartir de zéro, notamment en Colombie ou au Chili, selon l’ONU.

Dans l' »intérieur » du Venezuela, les services publics sont aux abonnés absents, les coupures de courant programmées durent jusqu’à 12 heures par jour et l’eau courante une chimère.

La situation est particulièrement critique à Maracaibo, à 500 km à l’ouest de Caracas. Autrefois riche ville pétrolière, la cité est aujourd’hui à l’arrêt. Les rues sont gavées de trous profonds comme des cratères, les stations-service sont à sec, mais, surtout, l’électricité y est devenue une rareté.

Le gouvernement socialiste de Nicolas Maduro attribue les « black-outs » à des actes de « sabotage », tandis que l’opposition évoque la corruption et le manque d’entretien du réseau électrique.

« Maracaibo est pratiquement devenue une ville fantôme », constate Jorge Govea, professeur de sciences politiques à l’université de Zulia, l’Etat dont Maracaibo est la capitale, et qui travaille sur ces mouvements de population de la province vers Caracas.

Il est très difficile de quantifier ce phénomène, mais il est « loin d’être massif », relativise Carlos Alberto Gonzalez, président de la Chambre immobilière du Venezuela. Selon lui, plutôt que de « migration interne », il vaut mieux parler de mouvements ponctuels qui augmentent en temps de crise.

-« Une incroyable normalité »-

Une fois arrivé à Caracas, Triztan s’est installé chez des amis de sa famille. Et il savoure. Il a l’électricité et, grâce au ventilateur, il peut dormir la nuit sans être réveillé par les moustiques et la chaleur moite qui enveloppe Maracaibo toute l’année.

A Maracaibo, Triztan « était déprimé en permanence, il en est même arrivé à me dire qu’il voulait mourir », raconte sa mère, Griselda Gonzalez, installée à Caracas depuis deux ans.

La capitale est relativement épargnée par les mesures de rationnement d’électricité qui touchent le reste du pays. L’eau courante n’y est pas une rareté et les magasins mieux approvisionnés.

Les Vénézuéliens qui empruntent le chemin de Caracas y ont souvent « un ancrage économique ou de la famille », souligne Luis Vicente Leon, directeur du cabinet Datanalisis.

Mais ces arrivées de provinciaux comportent aussi des effets collatéraux. Pour preuve: une agent immobilier rencontrée par l’AFP dit voir de plus en plus de Vénézuéliens de Maracaibo à la recherche de logements bon marché.

Et l’apparente normalité que vivent les 6 millions d’habitants de Caracas avec ses étals mieux fournis qu’en province ou son métro qui fonctionne à peu près, risquent d’être mis à rude épreuve. « S’il y a plus de monde à Caracas, c’est tout le système qui va être mis sous pression et il y aura davantage de pénuries », prédit l’analyste José Aguilar.

Pour l’heure, Ana Parra, politologue de 22 ans, n’a pas ces inquiétudes. Quand un cabinet de consultants de Caracas lui a annoncé qu’elle était engagée, elle a sauté de joie. Ana a enfin pu quitter Maracaibo pour la capitale.

Cerise sur le gâteau: une partie de son salaire lui est versée en dollars, ce qui lui permet d’un peu moins se préoccuper de l’hyperinflation qui touche le bolivar et devrait atteindre 1.000.000% cette année, selon le FMI.

« A Caracas règne une incroyable normalité. Ca ressemble à un autre pays, j’ai l’impression d’avoir émigré », se réjouit la jeune femme.

Pour Triztan, la réalité n’est pas encore à la hauteur de ses attentes. Il a trouvé du travail dans une pizzeria, mais le salaire qu’il n’a pas encore touché a déjà perdu 32% de sa valeur en une semaine à cause de l’inflation.

Pourtant, Triztan estime que sa qualité de vie « s’est améliorée ». « Je ne retournerai pas à Maracaibo », assure-t-il.

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