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Viktor Orban, l’ancien dissident devenu maître controversé de la Hongrie

Autocrate pour les uns, défenseur de la nation pour les autres, Viktor Orban dirige et divise la Hongrie depuis neuf…

Autocrate pour les uns, défenseur de la nation pour les autres, Viktor Orban dirige et divise la Hongrie depuis neuf ans au prix de dissensions croissantes avec ses partenaires européens, déchirés sur le cas de cet ancien libéral devenu pourfendeur de l’immigration.

Jamais la relation orageuse entre le Premier ministre de 55 ans et la droite européenne, sa famille politique, n’a semblé aussi près de se rompre: mercredi, le parti Fidesz, cofondé et dirigé par Viktor Orban, affronte une menace d’exclusion du Parti Populaire européen (PPE), groupe majoritaire au Parlement de Strasbourg.

Le temps est loin où le numéro un hongrois était l’un des espoirs du camp libéral dans une Europe bouleversée par la chute du rideau de fer. En juin 1989, cheveux au vent et chemise blanche, c’est en jeune progressiste de 26 ans que Viktor Orban défiait le régime communiste à Budapest avec un discours enflammé pour la liberté, lors d’un hommage aux victimes du Soulèvement de 1956.

Trente ans plus tard, après quatre mandats à la tête de la Hongrie, dont trois d’affilée, l’ancien protégé d’Helmut Kohl est la figure de proue des droites nationalistes en Europe et outre-Atlantique, qualifié de « héros » par Steve Bannon, ancien conseiller du président américain Donald Trump.

Désigné Premier ministre en 1998, à seulement 35 ans, il avait dû abandonner le pouvoir quatre ans plus tard après sa défaite de justesse face au Parti socialiste, héritier des anciens communistes. Une humiliation que n’oubliera jamais celui qui a fait de l’anticommunisme un fil rouge de son itinéraire.

Revenu au pouvoir en 2010, alors que le pays est profondément ébranlé par la crise économique et par des scandales liés au précédent gouvernement de gauche libérale, il entreprend de cimenter l’emprise de son parti sur toutes les institutions du pays au nom du salut de la « nation hongroise » et en rognant sur les libertés.

– Allié de Poutine –

Ce père de cinq enfants revendique l’exercice d’une « démocratie illibérale » et proclame son admiration pour le président russe Vladimir Poutine, qu’il rencontre régulièrement.

Les critiques de l’Union européenne sur l’atteinte à l’équilibre des pouvoirs ou sur son refus d’accueillir des réfugiés n’ont que marginalement infléchi sa politique.

Au contraire, il s’estime aujourd’hui conforté par la politique qu’il a mise en oeuvre lors de la vague migratoire de 2015, érigeant notamment des centaines de kilomètres de clôture barbelée pour bloquer les réfugiés, qu’il assimile régulièrement à des « terroristes » en puissance.

Dans la foulée, Viktor Orban a fait de George Soros son bouc émissaire, accusant le milliardaire juif américain, qui finance de nombreuses ONG de droits civiques en Europe, de vouloir noyer l’Europe sous les migrants. Le dirigeant hongrois martèle son refus d’une Hongrie multiculturelle au nom de la défense de l' »identité chrétienne de l’Europe ».

Né le 31 mai 1963, ce passionné de football qui a grandi dans une localité proche de Budapest est pourtant brièvement passé par l’université d’Oxford… grâce à une bourse du même George Soros.

Opportuniste ou visionnaire ? « C’est la question à un million de dollars », estime Andras Schweitzer, de l’université Eotvos Lorand de Budapest. Une chose est toutefois sûre, selon lui: la plupart des interlocuteurs d’Orban « reconnaissent son talent et son art de comprendre très vite les choses ».

– Lignes rouges –

Son électorat lui sait gré d’un chômage au plus bas (3,7%) et d’une croissance dynamique (4,8% en 2018) dans un pays qui dépend des fonds européens pour la quasi-totalité de ses investissements structurels.

La lassitude d’une partie des Hongrois face aux pratiques jugées clientélistes et aux allégations de corruption dans les cercles du gouvernement n’ont pas bénéficié à une opposition divisée, de nouveau mise au tapis lors des législatives d’avril 2018 remportées par le Fidesz.

Celui qui avait été affectueusement appelé « dictateur » par le président de la Commission Jean-Claude Juncker a multiplié les accros aux valeurs de l’UE mais a toujours pris garde à ne jamais franchir complètement les lignes rouges.

Jusqu’à sa campagne contre M. Juncker lancée courant février à coups d’affiches stigmatisantes placardées dans toute la Hongrie. Douze partis membres du PPE ont demandé l’exclusion du Fidesz pour sanctionner, selon eux, le dérapage de trop.

Cette mise à l’écart « renverrait le Fidesz à sa véritable appartenance, estime Peter Kreko, directeur du groupe de réflexion Political Capital à Budapest: le club des partis de droite, ethno-nationalistes, pro-russes, dont l’intérêt est de démolir l’Union européenne ».

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